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Il s’ouvrirait donc ici pour les produits de nos manufactures un débouché plus vaste que celui de l’Inde et de l’Australie réunies.

Ce qu’il y a de beau dans le dessein poursuivi par la conférence de Bruxelles, c’est qu’il s’agit non pas de conquérir l’Afrique centrale par la force, au profit d’un seul état, mais de faire entrer cette immense région dans le grand courant de la civilisation, par la paix et le commerce, au profit de l’humanité tout entière. L’organisation de l’œuvre fondée à Bruxelles, les nobles paroles prononcées par le roi Léopold en inaugurant ses travaux, font parfaitement ressortir le caractère international de l’entreprise. À la tête se trouve un comité exécutif composé d’un président, qui n’est autre que le roi des Belges lui-même, et de trois membres, qui sont M. de Quatrefages pour la France, le docteur Nachtigal pour l’Allemagne et sir Bartle Frere pour l’Angleterre; il s’adjoindra deux délégués de chaque comité national qui s’établira dans les différens pays. La mission de ces comités nationaux est de populariser autour d’eux le programme adopté, de recueillir des souscriptions et de faire parvenir au conseil international les propositions pour le meilleur emploi des fonds. En Belgique, le comité national s’est fondé immédiatement sous la présidence du frère du roi, le comte de Flandre. L’extrême attachement du pays pour son souverain a fait affluer les souscriptions. La plupart des corps constitués, les régimens de l’armée, la garde civique, les conseils communaux et provinciaux, les fonctionnaires, les établissemens industriels et les particuliers ont envoyé leur obole. La somme déjà réunie suffit pour donner un revenu annuel de 124,000 francs, et par conséquent pour faire chaque année les frais d’une expédition. Si la crise industrielle n’avait pas considérablement réduit le revenu de chacun, les souscriptions auraient été plus fortes, et l’œuvre d’ailleurs n’en est qu’à son début. En Allemagne, le comité national s’est constitué sous les auspices du prince impérial et a pour président le prince de Reuss. En Angleterre, l’African exploration fund est placé sous le patronage du prince de Galles. Le Portugal, ce pays des grands navigateurs, ne restera pas indifférent à l’œuvre, car ses intrépides voyageurs, les frères Pombeiros, de 1806 à 1815, et Silva Porto, de 1853 à 1857, avaient déjà traversé l’Afrique de la côte du Congo à celle de Mozambique, et les ports qui serviront de principale issue au commerce avec l’Afrique centrale lui appartiennent. Un comité est en voie de formation sous le patronage de la Société de géographie de Lisbonne et du ministère des colonies. Un rôle important semble aussi réservé aux Pays-Bas, dont les enfans ont colonisé le Cap et fondé les deux états libres de l’Oranje-Staat et du Transvaal, qui sont destinés à former l’anneau de jonction de la chaîne de postes civilisés à établir depuis le Caire et Khartoum jusqu’à l’extrémité