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certaine instruction professionnelle, est extrêmement restreint. Là où quelques-unes d’entre elles sont employées, elles sont obligées d’appeler à leur aide, non-seulement pour les décharger du gros ouvrage, mais pour les aider dans les soins médicaux, ces pauper nurses dont j’ai déjà parlé. On appelle ainsi des femmes valides qui ont été admises au workhouse, les unes pour une raison, les autres pour une autre, et qu’on y conserve indéfiniment à la condition qu’elles s’occupent gratuitement du soin des malades. Demandons à miss Nightingale ce qu’il faut penser de ces pauper nurses. Elle nous demandera à son tour « s’il est probable qu’on trouvera des femmes propres à remplir un emploi qui demande avant tout la sobriété, l’honnêteté, l’ordre, la propreté, une bonne réputation et une bonne santé parmi des femmes qui n’ont été admises au workhouse que parce qu’elles n’étaient les unes ou les autres ni sobres, ni honnêtes, ni ordonnées, ni propres, ni de bonne réputation, ni de bonne santé. » En admettant même une certaine exagération dans ce jugement rigoureux, il est certain que ce personnel offre bien peu de garanties, surtout lorsqu’au lieu d’être sous La surveillance d’une garde-malade en chef instruite et expérimentée, il ne se trouve, ainsi qu’il arrive souvent, que sous la surveillance de la matrone du workhouse. Celle-ci est parfois une femme de devoir et de conscience ; parfois aussi c’est tout simplement la femme du maître du workhouse, et elle ne remplit ces fonctions que par accident. On pourrait presque dire qu’un coup d’œil jeté sur la toilette de la matrone du workhouse suffit pour juger à laquelle de ces deux catégories, elle appartient. Si l’on en rencontre dont les vêtemens simples et décens conviennent à la tristesse du lieu, il en est d’autres que nos yeux français, accoutumés à l’austère propreté des sœurs, voient avec peine étaler au milieu de ces misères le contraste d’une robe de soie défraîchie et d’un chapeau à l’avant-dernière mode.

En résumé, si j’avais à mettre en relief le trait distinctif de l’organisation de l’assistance médicale à Londres, (et l’on pourrait ajouter en Angleterre), je dirais que ce trait distinctif est l’inégalité ; tant il est vrai que les institutions charitables d’un peuple ne sont que le reflet de ses institutions sociales et politiques. Pour les pauvres recommandés, toutes les ressources de la science et tous les ingénieux raffinemens de la charité privée ; pour les pauvres inconnus, l’insuffisance et la rudesse de la charité publique. Dans le détail, cette organisation peut paraître sur certains points supérieure, sur d’autres, inférieure à la nôtre. Quant à décider s’il se fait dans une ville ou dans l’autre une plus grande somme de bien, c’est un point qu’il est à la fois difficile et superflu de trancher. À quoi bon en effet ces comparaisons oiseuses et dont le résultat, même s’il