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fois plus considérable que celui de la Seine à Paris[1], reste à peu près constant, ce qui semble indiquer que le fleuve reçoit des affluens des deux côtés de la ligne, de sorte que ce sont tantôt les affluens du nord, tantôt ceux du sud qui grossissent, suivant que le soleil provoque les pluies alternativement dans l’une ou l’autre zone. Le voyage du brave et infortuné Tuckey en 1816 n’avait fait connaître le Congo que jusqu’aux chutes de Jelala, et depuis lors on n’avait pas pénétré plus avant. Les découvertes de Cameron semblent désormais avoir mis hors de doute l’identité du Congo avec le Lualaba, et dès lors sa source se trouverait dans la rivière Tchambezi, dans le pays de Bemba, visité par Livingstone, entre les lacs Nyassa et Tanganyka, non loin des sources du Nil.

Le Zambèse est la troisième des grandes artères qui descendent de l’Afrique centrale. C’est Livingstone qui en a déterminé le cours. Il est moins long que le Nil et il roule moins d’eau que le Congo, mais il offre des aspects plus pittoresques. Sortant du lac Dilolo sous le nom de Liba, il se dirige vers le sud, arrose le pays des Makololos sous le nom de Liambey, et, après avoir reçu le Tchobé venant de l’ouest, arrive au plateau granitique des Batokas. Là, précipitant d’une hauteur de 450 mètres dans une étroite crevasse la nappe immense et jusque-là épanchée de ses eaux, il forme la fameuse cascade si bien nommée par les indigènes Mosiwatanja, c’est-à-dire fumée tonnante, à laquelle Livingstone a donné le nom plus banal de chute Victoria. Avant de se jeter dans l’Océan indien, entre Quilimane et Sofala, le fleuve s’encaisse, traverse la passe de Lupata et reçoit par le Chiré le surplus des eaux du lac Nyassa. Enfin à l’ouest du lac Albert, dans le pays de Mombuttu, Schweinfurth a découvert un fleuve mystérieux, l’Uelle, qui, sortant du revers occidental des Montagnes-Bleues, a déjà, non loin de sa source, une largeur de 250 mètres et un débit considérable. Où l’Uelle déverse-t-il ses eaux? Schweinfurth croit qu’il forme le cours supérieur du Schari, le principal affluent du lac Tsad, et en ce cas il ne pourrait être d’une grande utilité pour le commerce; mais il peut être aussi un affluent du Congo ou la source de l’Ogowai, dont la partie inférieure a été récemment explorée par Compiègne et Marche[2], mais dont le cours supérieur est encore complètement inconnu.

  1. Au niveau des basses eaux, le débit de la Seine n’est que de 90 mètres cubes par seconde. Le débit moyen est de 250 mètres cubes. Le 17 mars 1876, au plus fort de la crue, il ne passait encore que 1,650 mètres cubes sous le Pont-Royal. Pour égaler le Congo, il faudrait donc réunir les eaux de deux cents fleuves comme la Seine, c’est-à-dire que tous les fleuves de l’Europe pris ensemble y arrivent à peine.
  2. Voyage dans le Haut-Ogoué, par le marquis de Compiègne et A. Marche. Bulletin de la Société de géographie de Paris, 1874. — Du Chaillu, Walker, et plus récemment le Dr Lenz, avaient été, comme M. de Compiègne, arrêtés par les tribus cannibales de l’intérieur, à peu de distance de la côte.