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plupart des souverains de l’Europe et l’intermédiaire de leurs négociations secrètes, Léopold II s’est beaucoup occupé de l’avenir de l’extrême Orient. Avant de monter au trône, il a visité, en observateur instruit et attentif, l’Egypte, l’Inde et la Chine, et il a rapporté de ses voyages la conviction que, pour permettre à l’industrie européenne de poursuivre ses étonnans progrès, il était urgent de lui ouvrir de nouveaux débouchés dans ces immenses continens qui contiennent les trois quarts de la population du globe. La crise économique, si intense et si longue, que traverse l’Europe en ce moment prouve la justesse de ses vues. L’Amérique du Nord, dupe d’une politique commerciale étroite et imprévoyante, refuse de recevoir nos produits. Il faut donc pénétrer plus avant et ouvrir des marchés nouveaux en Asie et en Afrique. C’est vers l’Afrique surtout qu’il faut porter nos efforts, parce que là il y a en outre une œuvre d’humanité à accomplir : supprimer la traite, et par suite les guerres abominables qui dépeuplent ces riches contrées. Pour favoriser l’œuvre de l’exploration de l’Afrique centrale, le roi Léopold voulait soumettre à l’examen de la conférence géographique réunie dans son palais trois points principaux : désigner des bases d’opération à établir sur la côte de Zanzibar et près de l’embouchure du Congo; déterminer les routes à frayer successivement vers l’intérieur en y créant des stations hospitalières, scientifiques et pacificatrices, comme moyen d’abolir l’esclavage et d’établir la concorde entre les chefs en leur procurant des arbitres justes et désintéressés, enfin constituer un comité international et central pour poursuivre l’exécution de ce projet, en exposer le but au public de tous les pays, solliciter son appui et recueillir des souscriptions.

L’idée généreuse du roi des Belges fut comprise par les hommes à qui on la soumit, et des voyageurs, des géographes, des philanthropes des différens états de l’Europe se rendirent à son appel. La France était représentée par l’amiral de La Roncière Le Noury, président de la Société de géographie de Paris, par M. Maunoir, secrétaire de cette Société, par II. Henri Duveyrier, l’explorateur du Sahara, et par M. le marquis de Compiègne, revenu récemment d’un périlleux voyage dans les régions inexplorées de l’Ogowai. M. de Lesseps se rendit plus tard à Bruxelles et approuva complètement le projet. L’Allemagne avait envoyé ses trois plus illustres voyageurs, MM. G. Rohlfs, Schweinfurth et le docteur Nachtigal, qui venait d’obtenir la grande médaille de la Société de géographie de Paris. On remarquait en outre pour l’Italie, M. le commandeur Negri; pour la Prusse, le baron de Richthofen, président de la Société de géographie de Berlin; pour l’Autriche-Hongrie, M. de Hochstetter, président de la Société de géographie de Vienne, le comte Edmond Zichy, le baron Hoffmann, ministre des finances,