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comme une splendide auréole autour de la grande nouveauté chrétienne, la sainteté. Les saints les plus humbles et les plus pauvres se trouvent entourés, après leur mort, par une sorte de transfiguration glorieuse, emblème de leur transfiguration céleste, de ce luxe qu’ils dédaignèrent pendant leur vie. Ce même Éloi fit servir son talent à la décoration des tombeaux. Il orna, dit la chronique, « d’un admirable travail d’or et de pierres précieuses » les sépulcres de saint Martin à Tours et de saint Denis dans l’abbaye où ce saint martyr avait été inhumé. — « Il composa aussi des vases et des sculptures magnifiques pour ce monument; il couvrit d’or le devant de l’autel, et posa aux quatre coins des pommes d’or enrichies de pierreries. » Il ornait avec non moins de somptuosité les sépultures de saint Quentin, de saint Piat et d’autres saints dont il avait découvert les corps dans son diocèse, quand lui-même eut abjuré, pour embrasser l’austérité chrétienne, le luxe qui ne devait plus avoir que ses os. Son tombeau, dans l’église du monastère de Saint-Loup, presque tout en or et en argent, allait être en effet couvert, par la piété des princes contemporains, de croix, de vases, de lampes, de candélabres en métal précieux, comme si on voulait honorer, outre sa sainteté, la profession à laquelle il avait dû sa célébrité : faste pieux que Dieu lui-même prit sous sa garde; un larron, ayant réussi à enlever une chaîne d’or et divers objets extérieurs, fut miraculeusement frappé de paralysie à la porte de l’église. Luxe et misère, luxe au dedans des églises, misère au dehors, ce contraste remplit sous toutes les formes les périodes mérovingienne et carolingienne. On voit plus que jamais se multiplier les ornemens servant au culte, vases, crosses, vêtemens sacerdotaux, bas-reliefs placés sur les autels et sur les murs des édifices religieux. On met partout en œuvre les métaux précieux et les pierreries. Aux temps de Gontran et de Dagobert, le marbre ne suffisait plus pour les portraits des hauts personnages, moins encore pour les images des saints. Que sera-ce sous le règne de Charlemagne, qui devait donner un si vif essor à tous les arts religieux! On trouve alors des églises pavées de marbre et de porphyre, quantité de portraits représentant des épisodes entiers de l’histoire religieuse, force dorures et mosaïques, calices d’or et statues de métal consacrées aux saints. Même dans ce triste Xe siècle cette veine n’était pas épuisée. Un évêque d’Auxerre, Guy, reconstruit le portail de sa cathédrale et le couvre de sculptures qui représentent d’un côté le paradis et de l’autre l’enfer. Le même prélat donne un devant d’autel en argent enrichi de figures. Un Amalbert, abbé de Saumur, fait à la même époque exécuter une châsse d’argent ornée de bas-reliefs où l’on renferme le vase qui contenait le corps de saint