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la parole ses idées sur la réorganisation de l’armée, particulièrement -sur le service de trois ans, qui était sa combinaison favorite, et certes, ai la cause avait pu être gagnée, elle l’aurait été par l’éloquence de ce soldat si chaleureusement convaincu, si séduisant d’esprit. M. Keller, encore aujourd’hui député, soutenait avec talent la même cause, les mêmes idées. Dans cette grande discussion se succédaient le général Ducrot, le général Chanzy, le général Changarnier, qui défendaient avec une égale autorité une opinion différente, le président de la république, M. Thiers, qui combattait pour les cinq ans jusqu’à menacer de se retirer si on ne les lui accordait pas. Histoire militaire, causes des désastres de la France, conditions du service, tout était passé en revue, et c’est après le débat le plus approfondi que le service de cinq ans était adopté par l’assemblée à la majorité, non pas d’une voix, mais de plus de 200 voix ! Assurément il n’y avait ni surprise ni équivoque. Entre les deux systèmes, le choix était fait avec maturité, de façon à défier tous les commentaires et toutes les contestations. Que s’est-il donc passé depuis cinq ans qui ait pu infirmer une solution si solennellement consacrée ? Quelle circonstance inconnue nécessiterait un supplément d’étude et créerait une opportunité, que M. Keller lui-même d’ailleurs, bien qu’ancien partisan du service de trois ans, était l’autre jour le premier à contester ? Où donc est la raison de cette insistance à reproduire une proposition déjà repoussée il y a six mois ? Est-ce uniquement ce besoin de tout changer, de tout remuer, qui est si malheureusement en honneur dans la chambre de Versailles ? Il se peut que M. Laisant, qui est un ancien officier et de plus quelque peu radical, tienne à se procurer une occasion d’exposer ses idées militaires ; franchement ce n’est pas un motif pour soumettre périodiquement à de semblables épreuves l’organisation de l’armée française, d’introduire la mobilité dans ce qui exige le plus de suite, le plus de temps et le plus de soins.

Que dans un certain nombre d’années, après une expérience suffisante, on soit conduit à examiner de nouveau ces modifications, qui ne seraient aujourd’hui qu’une imprudence et une irréflexion, ce n’est point impossible. M. Thiers lui-même, si opiniâtre quand il s’agit du pays et de sa puissance militaire, M. Thiers lui-même, il y a cinq ans, n’écartait pas absolument ces perspectives. « Si les idées de paix se répandent, disait-il, vous pourrez par le budget réduire ces cinq ans à quatre, et nous-mêmes, — je ne parle pas de moi, c’est un avenir trop loin de moi, mais de ceux qui nous succéderont, — quand nos successeurs, voyant par exemple le corps des sous-officiers reformé, auront le sentiment que l’armée est parfaitement constituée, qu’on n’a pas précisément besoin de garder les hommes cinq ans, ils trouveront peut-être bon de ne vous demander qu’un sacrifice de quatre ans au lieu de cinq. » Que veulent dire ces paroles, où M. Thiers mettait un art