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longtemps prononcé. Hors du pouvoir comme au pouvoir, il s’est toujours promis de ne pas laisser toucher à la constitution militaire, à l’organisation financière du pays, sans combattre jusqu’au bout : cette parole qu’il s’est donnée à lui-même pour le bien public, il la tient aujourd’hui avec son ardeur entraînante et son autorité. Dès que la prise en considération, à laquelle consentait le ministère, a été décidée par un vote, M. Thiers n’a pas hésité à réclamer sa place dans la commission nommée pour examiner la proposition Laisant, et dans cette commission la présidence lui revenait assurément de toute façon. C’est donc sous la garde de la raison patriotique de M. Thiers que la question se trouve désormais placée, et on peut dire que c’est M. Thiers qui fait les affaires du gouvernement, ou, pour mieux parler, les affaires du pays. On peut être tranquille : l’ancien président de la république n’est point homme à déguiser ses opinions, à suivre un prétendu courant populaire, à laisser passer les chimères, les fantaisies et les déclamations. C’est l’homme du pays, non d’un système plus ou moins nouveau, plus ou moins hasardeux. A ses yeux, il n’y a ni armée de la république, ni armée de la monarchie, il n’y a que l’armée de la France, faite pour tous les rôles, pour l’action offensive comme pour la défense. Il est, quant à lui, pour tout ce qui peut faire cette armée solide, notamment pour la durée du service. Sans dédaigner précisément le nombre, dont on parle beaucoup aujourd’hui, M. Thiers veut avant tout la qualité, qui ne s’acquiert que par une présence suffisamment prolongée sous le drapeau. Si on voulait lui rendre le service de sept ans de la loi de 1832, il ne le refuserait certainement pas, il l’avoue sans aucune hésitation ; mais c’est fini, il n’y a plus à revenir au passé. La loi de 1872 a consacré les cinq ans, c’est cette loi qu’il faut maintenir, et M. Thiers ne cache pas du reste que cette proposition Laisant, qui vient tout remettre en doute d’une manière si complètement inopportune, n’aurait pas dû être prise en considération.

A quoi répond-elle, en effet, cette proposition qui ne tend à rien moins qu’à modifier encore une fois toutes les conditions de notre état militaire ? Puisque la question s’était élevée, dit-on, elle méritait d’être étudiée. C’est en vérité une étrange manière de traiter ces grands problèmes d’organisation nationale qui ne sont pas faits apparemment pour être agités tous les jours à titre de sujets d’étude. Quoi donc ! il y a moins de cinq ans, cette question a été soumise pendant de longs mois à une commission de quarante-cinq membres choisis parmi les hommes les plus éminens et les plus compétens de la dernière assemblée. Elle était l’objet de l’examen le plus scrupuleux, le plus réfléchi dans cette commission, dont le rapporteur, un représentant mort depuis, M. de Chasseloup-Laubat, a laissé un travail des plus complets et des plus instructifs. Le général Trochu n’était resté dans l’assemblée que pour défendre par