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Il fallait une majorité sensée, animée d’un certain esprit politique, arrivant à Versailles avec la résolution d’acclimater les institutions nouvelles par la modération : il y a eu une majorité incohérente, agitée d’assez médiocres passions de parti, absolument novice et remuant tout pour ne rien faire. De cette chambre des députés élue au 20 février 1876, ayant déjà plus d’une année d’existence, il n’a pu se dégager jusqu’ici une force véritable d’opinion, quelque chose qui ressemble à une politique. Ce qu’on nomme même la majorité n’est qu’un amalgame déguisé sous ce complaisant euphémisme de l’union des gauches. En réalité, cette union des gauches, qui peut avoir sa raison d’être toutes les fois qu’on se trouve en présence de quelque manifestation bonapartiste, n’a plus ni sens ni valeur dès qu’il s’agit de suivre un plan de conduite, de former un parti de gouvernement. Ce n’est le plus souvent qu’un mot trompeur, un expédient de diplomatie parlementaire destiné à couvrir la confusion des idées. Que veut-on faire ? quelle est la limite de l’action commune ? quel est le symbole de tous ces fragmens de partis ayant l’air de marcher ensemble ? C’est là toujours la question. — Il faut un peu prendre les choses comme elles sont et tenir compte des circonstances sans rien exagérer, dira-t-on. Dans cette masse qui en certains jours forme la majorité républicaine, les passions extrêmes ne dominent pas, les idées de modération finissent par avoir le dernier mot. Nous le voulons bien ; sans doute, lorsque le radicalisme se présente bannières déployées, avouant tout haut ses programmes de destruction, il est obligé de reculer ; il est poliment évincé. Lorsqu’on veut faire triompher l’amnistie tantôt par voie directe et générale, tantôt d’une manière subreptice, l’amnistie est arrêtée au passage. Quand M. Naquet et M. Madier de Montjau ont des inventions révolutionnaires à produire, ils n’ont pas toujours un succès complet. Ceux qui en sont encore aux réhabilitations de la commune, des journées de juin 1848, du droit d’insurrection, de la politique des barricades, ceux-là se trouvent un peu gênés à Versailles, et ils sont obligés d’aller porter leurs déclamations ailleurs. Soit, la chambre n’est pas d’un tempérament à tout entendre ou du moins à tout sanctionner ; elle n’est violente que par étourderie et quelquefois par entraînement de parti. Il y a des points sur lesquels elle se sent retenue par une sorte d’instinct de modération. En dehors de ces points, par exemple, toutes les fantaisies sont permises, et, ce qu’il y a de plus curieux, c’est que cette malheureuse chambre semble ne pas se douter qu’elle fait du désordre législatif et parlementaire une politique.

C’est ce qu’on pourrait appeler un peu vulgairement une assemblée de touche-à-tout. La chambre du 20 février 1876 a porté à Versailles, elle garde visiblement encore la conviction naïve qu’elle est appelée à tout réformer, et que cette réforme universelle est la chose la plus