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ressemblance physique avec les Japonais, qu’il est probable que leurs ancêtres sont venus du Japon sur la côte est de l’île Luçon, chassés par un typhon. De nos jours, les barques des pêcheurs des archipels voisins viennent encore y relâcher. J’y ai vu des indigènes des Carolines à la suite de gros temps. Les Ifuagos composent une tribu importante. Au moral, ils n’ont gardé de leurs ancêtres que le courage ; féroces et cruels, leur vie se passe en luttes continuelles avec les sauvages Gaddanes, dont le territoire touche au leur. Les Tinguianes seraient dignes d’être les ancêtres des Tagales, si leur peau blanche et l’obliquité des yeux, leur intelligence pour la culture des terres et l’élevage des bestiaux, ne trahissaient jusqu’à l’évidence une origine chinoise. Quand sont-ils venus dans le pays ? nul ne peut le dire. Il est possible qu’ils y aient été portés par un typhon, comme les Japonais, à l’époque fort lointaine où la mer de Chine était infestée de jonques pirates qui étendaient leurs excursions beaucoup plus au large qu’elles ne les étendent aujourd’hui. Les neuf autres tribus ressemblent beaucoup aux habitans actuels. Les sauvages Itelapanes surtout réunissent d’une façon remarquable les deux types tagales et papous. Ils ont l’indépendance superbe de ces derniers. Divers moyens employés pour les civiliser ont échoué. Ils portent une coiffure cylindrique peinte en rouges pour armes, la lance et la flèche en bambou qu’ils décorent de la même couleur. Les Mayoyaos, de la cordillère centrale de Luçon, méritent d’être cités en raison de la douceur et de l’antiquité de leurs coutumes. Ils ne reconnaissent d’autre autorité que celle du plus âgé de la famille. On retrouve chez eux le respect, l’amour et l’obéissance que les Juifs avaient pour leurs patriarches aux époques bibliques. Si l’un d’eux s’est distingué dans les combats par sa valeur, des marques honorifiques lui sont accordées. Point de religion connue, et jamais on ne les a vus se réunir pour prier en commun. Ils vénèrent et craignent un génie qu’ils nomment Abanian. De lui dépend la maladie ou la santé ; pour se le rendre propice, les Mayoyaos lui sacrifient des pourceaux et des poules. Enfin ces sauvages, si un pareil mot peut leur être appliqué, sont très scrupuleux à l’égard de leurs devoirs conjugaux ; point de divorce, de répudiation et de mariages consanguins ; la polygamie n’est même pas en usage chez eux. Dans les autres tribus non civilisées et dans lesquelles nous cherchons les traits distinctifs des Indiens actuels, nous trouvons un grand respect pour les morts et une passion immodérée pour les fêtes et la vie oisive.

En 1860, un Allemand, M. F. Jagor, qui était en rapport avec un métis, ami des sauvages Igorrotes, est parvenu à visiter, grâce à cette circonstance, un de leurs villages, En s’y rendant, la première