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Indiens. Les femmes accompagnent leurs maris, soit à la chasse, soit à la guerre. Comme ils campent où le hasard les mène, les enfans ne sont jamais laissés seuls ; les mères les portent au cou ou sur leurs seins au moyen d’une écorce carrée et large, dont les quatre bouts se nouent à la nuque. Elles accouchent sur des cendres chaudes, au bord d’un ruisseau et sans aide ; aussitôt délivrées, elles se baignent et se remettent sur les cendres à allaiter leurs enfans.

Les Négritos se nourrissent de fruits, de racines et de venaison. Leur ambition se borne à posséder un arc, un carquois et une peau de sanglier, sur laquelle ils se couchent. Au temps des pluies, ils allument de grands feux et se roulent dans les cendres chaudes pour se préserver des moustiques. En signe de commandement ou plutôt de distinction, les chefs portent une palme dans leurs cheveux. La haine de ces noirs contre les indigènes des plaines ne s’est jamais éteinte. Quand un Négrito meurt, ses parens se cachent dans les arbres afin de surprendre un Indien isolé et le tuer d’une flèche empoisonnée ; s’ils y parviennent, la tête de la victime est portée en triomphe dans la tribu, qui fête cet assassinat par des danses et des festins. Très paresseux, ces sauvages préfèrent une vie errante à une existence oisive dans les pays civilisés. À l’occasion de mon excursion à la tombe de Magellan, sur l’îlot de Mactan, j’ai raconté l’histoire d’un Négrito qui, après avoir été promené dans les principales capitales de l’Europe, revint à vingt-cinq ans à ses chères montagnes du Marivelès[1]. Un auteur espagnol rapporte un autre trait tout aussi caractéristique. Un de ces jeunes noirs avait été élevé avec beaucoup de sollicitude par un archevêque de Manille. À vingt-cinq ans, le prélat, croyant à une métamorphose complète de ses instincts sauvages, lui donna la prêtrise ; mais un jour le jeune abbé disparut, on le chercha, jusqu’au moment où l’on apprit qu’il avait été vu regagnant avec l’agilité d’un cerf les montagnes de Nueva-Ecija, où il était né. Pour compléter ce que nous savons de ces sauvages, nous devons ajouter que les Indiens les désignent par les noms de Aétas, Itas et Ajetas. M. de la Gironnière s’est servi de ce dernier mot lorsqu’il a fait dans son Histoire des Philippines un portrait fantaisiste des Négritos.

Les Igorrotes, les Buriks, les Guinaanes, les Ibalaos et les Ilongotes, que l’on trouve dans les montagnes de Nueva-Ecija, sur le plateau du Caraballo, n’ont aucun rapport avec les anciens et les nouveaux indigènes. Ils se nourrissent de récoltes et de bestiaux volés. Commeils craignent la vengeance des Européens, c’est à coups de flèches qu’ils reçoivent leurs visites. Les Ifuagos ont une telle

  1. Voyez la Revue du 15 juin 1869.