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Les envahisseurs malais durent occuper le littoral de toutes les îles qu’ils conquirent, et refouler dans les montagnes les aborigènes que l’on y rencontre encore aujourd’hui, errans et dispersés. A l’arrivée des Espagnols, la religion musulmane était dominante aux Philippines : elle l’est encore de nos jours à Mindanao et aux îles Soulou, les contrées insoumises du sud de l’archipel. Les Papous ou Négritos, qui vivaient au sommet des montagnes, n’en descendirent pas pour se soumettre aux nouveaux arrivans et continuèrent comme par le passé à y vivre indépendans. Le pays se divisait alors en petites royautés dont les titulaires étaient souvent en guerre. C’est en combattant pour le chef d’un de ces états que Magellan, frappé d’une flèche, perdit la vie à Mactan. Lorsqu’en 1565 le maître de camp Juan de Salcedo débarqua le premier à Luçon, il eut aussi à traiter avec plusieurs souverains ; ceux dont on a gardé les noms s’appelaient Candola, roi du pays de Manille, et Soliman, roi du pays de tondo. Quand ils se juraient amitié et fidélité, ces roitelets faisaient mutuellement jaillir du sang de leurs poitrines et le buvaient. Magellan dut observer cette coutume avec Limasagua, roi de Cébu. Aux îles Soulou, le gouvernement est oligarchique ; un sultan représente le pouvoir exécutif, et nous devons supposer qu’il en était alors partout ainsi. La culture du riz, la recherche de la poudre d’or, la pêche et la chasse, étaient les principales occupations des indigènes lorsqu’ils ne guerroyaient pour la possession des régions giboyeuses ou fertiles en cocotiers. On croit que les Indiens du nord de l’archipel savaient tisser, et que cette industrie leur avait été enseignée par des Chinois du Yunnan, avec lesquels les relations étaient fréquentes dès cette époque. En fouillant dans les vieilles annales de la province chinoise peut-être y trouverait-on l’histoire primitive de l’île Luçon et son nom véritable. Les armes se composaient de lances, d’arcs, de flèches, de couteaux appelés bolos et de larges sabres ou compilans. Les villages, dont la plupart des maisons reposaient sur pilotis, se trouvaient presque toujours situés au bord des fleuves. De longues pirogues, nommées caracoas, servaient au transport des personnes et des denrées.

Dans l’histoire des Philippines, écrite par don Antonio Morga aussitôt après la mort de Legaspi (1572), on lit qu’à l’arrivée des Espagnols, les Tagales portaient le turban et le costume arabe, et qu’ils possédaient un fort armé de douze canons à l’endroit même où s’élève, sur les rives du Pasig, la citadelle actuelle de Santiago. D’où leur venait cette artillerie ? On l’ignore. Les Portugais avaient peut-être précédé les Espagnols à Manille et donné, à une époque indéterminée, ces deux batteries aux Indiens, mais les chroniques portugaises sont muettes à ce sujet. D’après l’opinion de personnes