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est resté. Quant au mot tagale, nom donné à une partie des indigènes de l’île Luçon, il dériverait du sanscrit et signifierait dans cette langue premier, principal, on s’en sert encore aujourd’hui dans ce sens aux Indes anglaises et surtout à Malacca. Ne sont désignés comme Tagales que les indigènes qui vivent au bord du Pasig, dans les provinces de Batangas, Bataan, Cavité, Tondo, Laguna, Manila et Bulacan. Dans l’île de Mindanao existe aussi une tribu d’Indiens de ce nom : les traits physiques et les mœurs de ces insulaires ressemblent beaucoup à ceux des autres provinces.

De leur côté, les Portugais qui, quelques années avant l’arrivée des Espagnols, faisaient déjà des échanges entre l’archipel et leurs colonies du continent asiatique, n’ont jamais parlé de l’île Luçon, et cet oubli est en vérité inexplicable. Pendant les dix ans que j’ai résidé dans cette partie du monde, j’ai cherché vainement à découvrir des indications nouvelles touchant son histoire. Voici pourtant quelques notes qui, je l’espère, peuvent offrir de l’intérêt.

Il est d’abord hors de doute que vers le IXe siècle les Malais vinrent aux Philippines et y apportèrent le Koran. Leur propagande conquérante et religieuse s’étendit aux côtes orientales de l’île de Madagascar, de Formose, des Molusques, de Bornéo, de l’archipel de Soulou et dans toute l’étendue de la grande île de Mindanao. Il paraît certain aussi qu’avant l’arrivée des Malais les indigènes ne se nourrissaient que de patates douces et de bananes. Peut-être, comme leurs voisins des Mariannes, ignoraient-ils l’usage du feu. Ils connaissaient cependant le fer et l’or, mais aucun autre métal. Ils auraient eu une sorte d’alphabet phonétique dont quelques-unes des lettres se trouvent mélangées aux caractères arabes dans certains manuscrits que les moines gardent précieusement dans leurs couvens. Les insulaires primitifs croyaient aux bons et aux mauvais génies ; ils pratiquaient la circoncision et prétendaient lire l’avenir dans les étoiles. Ils avaient des sybilles, et le culte des idoles était confié à des femmes. En 1851, en construisant une route dans une des îles Visayas, au sud de l’archipel, des terrassiers mirent à jour une foule d’objets appartenant à une époque fort ancienne. Ils trouvèrent un bras desséché entouré entièrement d’un bracelet en cuivre et en forme de spirale.

Il y avait de ces ornemens faits d’une sorte de gypse, brillant comme s’il avait été vernissé. On y trouva des crânes, des cornes de cerfs, des pierres plates trouées, de petits couteaux en cuivre, des pots et des assiettes d’origine chinoise probablement, et un morceau de bois pétrifié, fixé dans une branche d’arbre. D’après Morga, les vases et les assiettes dans le genre de celles dont nous parlons se trouvaient autrefois assez fréquemment dans les provinces de Manille, Pampanga, Pangasinan et Ilocos. Jamais il n’en