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L'ARCHIPEL
DES PHILIPPINES

I.
LE CLIMAT ET LES RACES.

C’est surtout aux îles Philippines que les événemens dont la Havane est le théâtre ont été suivis et le sont encore aujourd’hui avec une inquiète attention. En présence du déchirement intérieur de la Péninsule, de la lutte soutenue avec une rare ténacité par les Cubains, les créoles des Philippines ont-ils cru à l’opportunité d’un soulèvement contre les Espagnols, ont-ils trouvé l’heure propice pour abattre la domination séculaire des moines ? Ce qu’il y a de certain, c’est qu’on a vu dernièrement à Manille, dans une colonie éminemment catholique, trois prêtres monter le même jour sur l’échafaud pour y souffrir le dernier supplice par le garote vil : accusés d’avoir cherché à préparer l’avènement de la république dans ces contrées nouvelles, ils ont été jugés et condamnés par un conseil de guerre. Ils sont morts en protestant de leur innocence, et bénissant de leurs mains enchaînées les Indiens qui par milliers s’étaient agenouillés sur leur passage. Ces exécutions ont été suivies d’un grand nombre d’emprisonnemens et de déportations aux îles Mariannes. Par ces moyens violens, les Espagnols ont voulu jeter une terreur profonde dans l’âme des créoles innocens ou coupables. Leur but a été atteint ; mais, si à la surface les esprits ont paru se calmer, la haine survit au fond de quelques âmes