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sorti d’une famille où le goût des lettres et le savoir sont de tradition, esprit actif, nature ardente et passionnée, Firmin Herran s’est consacré de toute son âme à la défense des idées libérales ; mais ses convictions, nées d’un sentiment profond de la justice, n’ont pas affaibli chez lui l’amour du pays natal, Semblable en cela à tous les Basques ses compatriotes, il aime à parler des provinces sœurs, à les faire connaître, à célébrer leurs institutions, leurs mœurs, leurs libertés, tout ce qui fait la supériorité de ce petit coin de terre sur tant de puissantes nations. C’est le maître d’école de Villafranca qui nous avait montré l’église, car il fait aussi fonctions de sacristain ; nous l’avions reconduit nous-mêmes jusqu’au seuil de sa classe, d’où, par les fenêtres entr’ouvertes, montait dans le silence du village désert un murmure de voix d’enfans, épelant tout bas leurs lettres, et là-dessus la conversation s’était engagée entre nous, au retour, pendant que la voiture nous emportait rapidement à travers les deux allées de grands peupliers qui bordent la route. J’appris ainsi que l’Alava, sur le tableau des provinces d’Espagne, est au premier rang pour l’instruction et au dernier pour la criminalité. « voulez-vous des chiffres ? poursuivit mon interlocuteur. Nous avons en Alava 321 écoles d’enseignement primaire, soit privées, soit publiques ; comme la population s’élève à 21,900 familles environ, cela fait une école pour 68 familles ; la moyenne de l’Espagne est de 1 pour 147. Dans ces écoles, 14,600 enfans des deux sexes reçoivent l’instruction, soit 1 pour moins de 7 habitans, sans préjudice des cours d’adultes qui se tiennent le soir dans les villages, principalement en hiver, ni des 4 écoles du dimanche, installées dans la capitale, et que suivent ensemble 2,600 personnes à peu près. Passons aux dépenses : l’enseignement primaire coûte aux différentes municipalités, tant pour le personnel et le matériel des écoles que pour l’entretien des édifices, 254,000 francs qui, répartis entre les habitans, donnent pour chacun d’eux un déboursé de 11 fr. 80 cent. Notez que la plupart des villages ont des maisons d’école bâties spécialement à leurs frais, et dont le prix représente une première avance de fonds considérable. Tenez compte des sacrifices que fait elle-même la députation forale, soit pour aider dans l’entretien de leurs écoles les communes trop pauvres, soit pour favoriser les progrès de l’enseignement ; songez que cet état de choses dure non pas depuis des années, mais presque depuis des siècles, et dites-moi si nous n’avons pas quelque droit d’être fiers. D’ailleurs les résultats sont là : en défalquant de notre population totale les étrangers et les enfans au-dessous de huit ans, sans instruction encore, on trouve 79 personnes sur 100 sachant lire et écrire ; c’est le contraire pour les provinces du centre et du sud de l’Espagne, où les trois quarts de la population adulte vivent