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de la province et les dons volontaires des particuliers, ne compte pas moins de cinq cents pensionnaires inscrits, et de l’air, de l’espace pour les loger tous ; mais là-dessus une cinquantaine sont en apprentissage dans la ville, les autres pour la plupart vivent aux environs chez des cultivateurs qui les habituent aux travaux des champs. Cette mesure a donné les meilleurs résultats. Dès qu’ils ont atteint quatorze ans, leurs maîtres sont tenus de payer annuellement pour eux une petite somme : mise de côté, elle sert à leur composer une masse qu’ils trouveront en sortant ; du reste l’administration les suit jusqu’au jour de leur mariage, et même alors elle leur fournit les moyens d’entrer en ménage. A quelque moment que ce soit, l’enfant réclamé est aussitôt rendu sans aucuns frais à ses parens ; pour éviter toute confusion, un registre spécial contient le détail exact des moindres circonstances où il fut déposé ; beaucoup de ces petits malheureux portent sur eux un objet quelconque, un coin de linge marqué d’initiales, un bijou, et tous ces indices sont précieusement conservés. Ce sont des sœurs qui s’occupent de la direction intérieure de l’hospice, avec quel soin, quelle propreté, quelle vigilance, je ne saurais le dire assez : successivement elles me montrèrent, avec une petite fierté bien légitime, les grands dortoirs parquetés, cirés, resplendissans, la lingerie pleine jusqu’au faîte de serviettes et de draps empilés, la cuisine aux chaudières reluisantes ; mais la chambre du tour surtout m’intéressait. Au fond d’une grande salle claire, ouvrant sur les jardins, sont deux petits lits de fer, garnis de rideaux blancs ; dans l’un, pendant la nuit, couche la sœur de garde ; l’autre attend toujours la pauvre créature que la misère ou la honte viendra confier à la charité. A droite, encastré dans la muraille, tout tapissé de langes comme un berceau, le tour, qui vire sur lui-même avec un bruit de sonnettes ; il donne de l’autre côté sur une petite ruelle sombre, abandonnée, propice au mystère. Au tintement bien connu de la sonnette, la sœur se lève, l’enfant est recueilli, adopté, et la mère coupable n’est plus tentée d’ajouter le crime à la faute. Parmi ces infortunées qui confient aux bonnes sœurs de Vitoria le fruit de leurs entrailles, il est, m’a-t-on dit, plus d’une femme française venue pour chercher en Espagne le secret de son déshonneur, que la loi de notre pays ne lui permet pas ; peut-être, dans l’intérêt même de la société et de la morale, pourrions-nous être plus indulgens. Ne vaut-il pas mieux pour le nouveau-né le tour et son discret asile que le lit du fleuve ou la bouche de l’égout ? D’ailleurs il ne semble pas que le voisinage de l’hospice rende en Alava la débauche plus fréquenté ; bien loin de là, cette population est des plus honnêtes de l’Espagne, et l’infanticide y est absolument inconnu.

Tous ces édifices qui composent proprement dit la ville moderne