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que plus utile. C’est à cette tâche modeste que seront consacrées les premières pages de notre étude.


I

Les hôpitaux de Londres jouissent dans le monde médical d’une réputation qui, sous certains rapports, n’est pas imméritée. L’étranger qui passe devant leur façade admire leur solide et massive construction ; il s’étonne du vaste emplacement qu’ils occupent parfois dans les quartiers les plus riches de Londres, où le terrain à lui seul représente une grande valeur. Le visiteur qui aura franchi la porte d’entrée louera la hauteur et la bonne ventilation des salles, l’aménagement confortable des dépendances, le luxe même des bibliothèques, des amphithéâtres, des salles de cours ou de réunion qui y sont souvent annexés. S’il jette un coup d’œil sommaire et pas trop investigateur sur les comptes-rendus de la statistique annuelle, il sera probablement frappé d’un chiffre de mortalité en apparence moins élevé que celui de nos hôpitaux français, et s’il se retire après cette visite un peu superficielle, il ne tiendra qu’à lui de s’extasier sur l’excellente organisation des hôpitaux de Londres et de l’assistance médicale en Angleterre.

Cependant, si notre visiteur a l’esprit porté à l’observation et l’œil tant soit peu familier avec les aspects de la misère, une chose le frappera, sinon dans tous, du moins dans l’immense majorité de ces établissemens, c’est qu’il ne reconnaîtra pas dans les malades étendus sur l’étroite, mais propre couchette ces types d’hommes et de femmes épuisés par la misère, abrutis par le gin, qu’il rencontrera dans la rue voisine (fût-ce la plus élégante de Londres), cachant avec peine un corps usé et amaigri sous des haillons qui furent autrefois des vêtemens de drap ou de soie. La plupart des hôtes de l’hôpital, dont un certain nombre ne lui paraîtra pas atteint d’affections très graves, lui sembleront appartenir à cette classe intermédiaire entre la bourgeoisie et le peuple qui vit sans efforts de son travail ou de son petit commerce et qui oppose au mal un tempérament robuste dont les privations n’ont point à l’avance épuisé les forces. En un mot, il aura le sentiment de se trouver en présence de la maladie, mais non pas en présence de la misère, et il se demandera en sortant si les vrais pauvres de Londres échappent à la maladie, ou si l’assistance médicale, n’est pas organisée pour eux.

La réponse à cette question se trouve dans les règlemens des différentes fondations hospitalières qui s’élèvent en grand nombre dans la ville de Londres, et ces règlemens ne s’expliquent eux-mêmes que par l’histoire de ces fondations. Les hôpitaux de Londres