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les avis ironiques d’un Laberius, qui conseille aux passans de se moquer de la philosophie et sans doute aussi de la pensée religieuse, les tombeaux sont de mauvais prédicateurs de scepticisme, et la mort n’aime guère à se vanter de son néant.

Une étude approfondie du faste funéraire romain ne ferait que confirmer le caractère habituellement religieux et moral de ce genre de monumens attesté par les représentations symboliques. Les urnes destinées à recevoir les ossemens et les cendres font souvent ainsi allusion à la vie future. L’intérieur des tombes romaines était décoré de peintures qui représentaient le plus fréquemment, il est vrai, des paysages, des arabesques qui pouvaient orner une villa, mais bien des fois aussi des scènes qui se rapportent aux champs élysées ou aux enfers. Les bas-reliefs qui, au reste, ne nous sont guère parvenus que depuis les Antonins, sont remplis d’enseignemens de la même nature. Une partie des décorations se rapporte aux usages religieux, et la pompe des funérailles s’y trouve retracée avec toute la série des épisodes qui s’y succèdent. La sculpture y a gravé les sentimens de la famille et les souvenirs de l’union conjugale de la manière la plus touchante. Un homme et une femme se tiennent par la main : entre eux est un amour avec ces mots : Fidei simulacrum, emblème de fidélité. Plus souvent c’est leur enfant qu’ils tiennent tous deux, ou bien le défunt est couché et sa femme assise près du lit. L’union des époux par le mariage et leur séparation par la mort sont fréquemment figurées ; mais, selon l’expression de M. Ampère, l’on peut croire qu’il y a aussi dans « ces noces du tombeau » un pressentiment de la réunion au-delà ; si l’on voit un rideau, le rideau qui nous cache le monde invisible, on voit aussi une porte entr’ouverte pour laisser à celui qui reste la perspective et l’espoir d’y passer à son tour. Cette porte s’ouvre pour un enfant ; la tendresse des parens élevait des tombes aux enfans et décorait des symboles accoutumés les urnes qui contenaient leurs cendres. Les représentations de la vie future offrent parfois un mélange de délicat symbolisme et d’images empruntées à la mythologie populaire. Ainsi Charon fait passer aux âmes le Styx et les débarque sur la rive infernale : on voit l’arrivée des âmes ; un homme, suivi de son fils, a déjà mis le pied sur la planche qui conduit de la barque à terre, une femme est encore dans la barque. Clotho accueille ce mort en lui tendant la main ; elle tient une quenouille sur laquelle il restait beaucoup à filer. C’est donc un père et un époux mort jeune qu’ont suivi de près son épouse et son fils. Une seconde Parque tient un vase, elle va leur donner à boire l’eau du Léthé ; ils sont réunis, ils peuvent oublier. A propos des banquets funéraires, on trouverait sans doute à soulever les mêmes questions que pour les mêmes représentations