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accoutumé à parler par les arts une langue si claire qu’on doit se demander jusqu’à quel point ils expriment et sous quels aspects ils représentent l’idée d’une vie ultérieure. Il faut consulter ici ces bas-reliefs, ces emblèmes, ces décorations intérieures ou extérieures du tombeau qui s’offrent en grand nombre aux investigations. Il n’est nullement douteux que cette croyance ne s’atteste sous des formes variées : toute la question est de savoir dans quelle mesure. Cette question s’est posée récemment à propos de la découverte du monument de Myrrhine à Athènes, auquel M. Félix Ravaisson consacre un savant et intéressant mémoire. Dans le monument de Myrrhine, et dans beaucoup d’autres, les bas-reliefs représentent un groupe de personnages qui, à la manière dont ils sont en rapport les uns avec les autres, doivent être reconnus, ainsi qu’ils l’ont toujours été, pour les membres d’une même famille. Souvent l’un d’eux y prend la main d’un autre. La plupart des antiquaires ont désigné ces représentations sous le nom de scènes d’adieu ou de séparation. L’auteur du Mémoire y voit au contraire des scènes de réunion dans une autre vie. Il fait remarquer que ces personnages sont réellement en marche les uns vers les autres et témoignent, non du caractère de tristesse qu’on leur attribue, mais d’un sentiment de joie douce, et même d’une satisfaction quelquefois plus expressive, attestée par des gestes sur lesquels on ne peut se méprendre. Il étend la même interprétation à d’autres figures qui deviennent comme autant de témoignages d’une croyance profonde et vive dans l’immortalité attestée par les tombeaux : telle par exemple l’image assez fréquente d’un homme assis au bord de la mer qui sera une des peintures de la vie des bienheureux dans un séjour insulaire, lequel ne peut être que l’archipel où une ancienne tradition plaçait les mânes des hommes vertueux. Sur un bas-relief funéraire trouvé en Algérie, un homme est debout ayant près de lui une table chargée de rouleaux ; il élève la main droite vers un arbre ; à sa gauche est un navire au-dessus duquel une draperie se relève de distance en distance. Ces rouleaux sont des livres dont la lecture occupe les loisirs du défunt, homme d’étude sans doute. Le geste qui désigne l’arbre est celui de l’adoration ; cet arbre est donc celui autour duquel on voit ordinairement enroulé le serpent, génie de la région sacrée. Dans la même explication, les représentations, à un certain moment très fréquentes sur pierres gravées, dans la Grèce ancienne, de l’Amour, Erôs, et de Psyché (qui n’est autre, suivant l’étymologie, que l’âme elle-même) conduite par l’Amour vers certaines régions, prennent le même sens mythique. Sur un vase grec d’ancien style, acquis par le musée du Louvre, Achille ou Ajax, jouant aux dés sous un palmier, sont de même une représentation élyséenne. Si certaines