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des mains dorés : parfois des plaquettes d’or sont posées sur les yeux et la bouche.

C’est ainsi qu’en Égypte le faste funéraire apparaît sous un double aspect qui traduit les mêmes pensées. Sous la forme architecturale, il est immense, solennel, comme les grandes et mystérieuses idées de la mort et de l’immortalité qu’il rappelle. Dans les ornemens intérieurs des sépulcres, le luxe perd ce caractère de faste qui s’adresse aux vivans. Il est fait exclusivement pour les morts, et les précautions les plus savantes sont prises pour que l’on ne puisse ni le profaner par des regards indiscrets ni en violer le dépôt par une convoitise sacrilège. Ces lieux, si bien décorés, remplis de richesses, n’ont qu’un seul habitant, un seul témoin, un seul possesseur, le mort lui-même, étendu dans un sarcophage, objet aussi de luxe et d’art, que recouvrent des figures symboliques qui souvent annoncent la vie future.

Ce que l’on sait de l’Inde ancienne, très analogue à ce qui se passe aujourd’hui, confirme avec moins de grandeur et d’étendue les mêmes idées, corrigées par la manière sombre dont on envisage la vie. Se précipiter dans un bûcher, se refuser à perpétuer les images d’une existence dont on rejette le fardeau, est une façon héroïque de supprimer le faste funéraire, qu’on aurait tort d’étendre d’un certain nombre de cas particuliers, propres à la classe des prêtres ou des philosophes, à la masse des personnes d’un rang élevé. Jamais on n’a vu des populations entières suivre ces voies d’exception. Que nous montre l’Inde habituellement ? Lorsque le personnage, brahmane ou individu des hautes classes, a expiré, le corps est lavé, parfumé, couronné de fleurs. Un tison du feu sacré sert à allumer le bûcher. On supplie le feu de purifier le corps du défunt, afin, dit-on, qu’il puisse s’élever aux demeures célestes. On chante des hymnes sur le néant de la vie. On dépose dans la terre les cendres, qu’enveloppe un paquet de feuilles. Si ce dernier usage est plus moderne, d’autres détails remontent à l’antiquité, qui nous montre des coutumes funéraires aussi fastueuses dans les Indes qu’ailleurs, des tombeaux en dôme souvent magnifiques, l’habitude d’enterrer les objets de toilette, ainsi que cet autre usage caractéristique d’immoler les femmes sur le tombeau de leur époux.

La Judée tient un rang à part. Autant l’Égypte recherche le faste funéraire, autant la Judée le fuit : non pas pourtant que l’exception soit entière ; on rencontre aussi chez les Hébreux l’usage d’enterrer des objets précieux, d’embaumer les personnages puissans, découvrir les sarcophages de quelques ornemens décoratifs, comme nous pouvons en juger en ce moment même par les monumens provenus de la Palestine, réunis depuis peu de temps au Louvre,