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funéraire chez les peuples européens. Telle est la coutume de revêtir les défunts d’un rang élevé de vêtemens magnifiques, de leur placer dans la bouche une émeraude, un objet d’or. Peu importe que cette parure présente des singularités toutes locales. Ainsi, dans telle région, lorsque le chef ou prince mourait, on lui mettait des bagues aux doigts, des bracelets aux bras, un collier de turquoises au cou, des pendans aux oreilles, et, ce qui paraît bizarre, des sonnettes aux genoux : on plaçait auprès de lui son carquois rempli de flèches et une poupée couverte de pierres précieuses. Ailleurs la poupée ne suffit pas. Sept jeunes filles, richement habillées ; suivent le convoi en chantant, et sont assommées près de la tombe, où on les jette pour tenir compagnie au trépassé. Quelquefois les ornemens funéraires, au lieu de peindre la douleur, attestent la joie. Le mort est revêtu d’habits de fête. On lui tient des discours pour le féliciter d’avoir échappé aux misères de la vie. On l’accompagne de chants joyeux, de jeux, de danses, qui expriment la gaîté. Ailleurs les défunts portent la livrée brillante non-seulement de leurs professions, mais de leurs vices. Les ivrognes sont habillés comme le dieu du vin, les libertins comme le dieu de la volupté. Dans une autre tribu, les médecins étaient l’objet de funérailles somptueuses, mais n’étaient pas déposés dans un tombeau. Leurs cendres étaient conservées pour servir de remèdes, comme si la sépulture la plus honorable pour eux était le corps même des malades qu’ils guérissaient par une vertu surnaturelle. Les tombeaux mexicains étaient souvent magnifiques et couverts d’emblèmes. Dans toutes ces coutumes apparaît l’idée de la survivance. Un écrivain du XVIe siècle écrit, non sans quelque naïveté, à ce sujet : « Les Mexicans, quelque bestise qu’on leur attribue, ne sont point si lourdaux qu’ils ne pensent bien leurs âmes être immortelles et ne s’anéantir point avec le corps. Au contraire, ils croyent qu’elles sont tormentées ou bienheureuses en l’autre monde, selon que bien ou mal elles se sont portées en cestuy-cy : et c’est le but où tend toute leur religion, et ce que plus ils taschent de donner à entendre par toutes leurs cérémonies, et spécialement par celles qu’ils observent aux obsèques des trespassés, lesquelles ils font fort grandes et honorables, afin, se disent-ils, que si les morts par leurs mérites ne sont point allés au département des bienheureux, ils y soient au moins receus pour les services funèbres qu’on leur fait. » Il ne tiendrait qu’à nous de croire, après avoir lu ces lignes, que les anciens Mexicains étaient d’excellens catholiques, convaincus de la réversibilité des prières et des mérites ; mais le fond subsiste, et les cérémonies, les ornemens, les accessoires multiples du luxe funéraire, attestaient chez ces peuples l’idée d’une existence individuelle persistante.