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et écartée dès l’abord par ceux qui avaient autorité pour le faire ; ce qui aurait probablement évité, aux uns un grand et inutile désappointement, à moi un des plus pénibles chagrins que j’aie éprouvés, — et Dieu sait que je n’en ai pas manqué dans le cours de ma longue vie ! »


Ceux qui avaient autorité pour écarter dès l’abord cette candidature, quels sont-ils ? Ce sont évidemment les chefs de la maison de Cobourg, ceux-là surtout que leur situation mêlait aux affaires européennes, le roi des Belges et le prince Albert. Le roi des Français ne savait pas si bien dire. On a vu par les notes de Stockmar, au début de ce récit, que le plan du prince Albert et de son conseiller se résume en ces termes : « Nous ne soutenons pas cette candidature au point d’y sacrifier de plus précieux intérêts, nous nous gardons bien aussi de l’écarter. Il faut attendre les circonstances afin d’en profiter s’il y a lieu. » Une de ces circonstances fut la chute du ministère Peel et le remplacement de lord Aberdeen par lord Palmerston. C’est ce qui a tout compromis et tout perdu.

Le roi arrive ensuite au mariage du duc de Montpensier avec l’infante, à la célébration simultanée des deux alliances, à ce qu’il appelle très franchement la déviation des conventions premières. Il énumère les causes qui ont rendu cette déviation inévitable, les unes qui sont le fait des agens politiques de l’Angleterre, les autres qui résultent de la situation de l’Espagne. La célébration simultanée des deux mariages, qu’il regrette pour sa part et qu’il eût voulu éviter, c’était le sine qua non de la reine Christine, c’était le vœu du ministère, le vœu de la nation espagnole, qui voyaient dans cette prompte solution le seul moyen de mettre un terme aux incertitudes publiques, par conséquent aux espérances et aux menées des factieux.


« Actuellement, ma chère bonne Louise, c’est à la reine Victoria et à ses ministres qu’il appartient de peser les conséquences du parti qu’ils vont prendre et de la marche qu’ils suivront. De notre côté, ce double mariage n’opérera dans la nôtre d’autres changemens que ceux auxquels nous serions contraints par la nouvelle ligne que le gouvernement anglais jugerait à propos d’adopter. Il n’a à redouter de notre part aucune ingérence dans les affaires intérieures de l’Espagne. Nous n’avons point d’intérêt à le faire, et nous avons une volonté très décidée de nous en abstenir. Nous continuerons à respecter religieusement son indépendance, et à veiller, autant que cela dépendra de nous, à ce qu’elle soit également respectée par toutes les autres, puissances. Nous ne voyons aucun intérêt, aucun motif, ni pour l’Angleterre, ni pour nous, à ce que notre entente cordiale soit brisée, et nous en voyons d’immenses à la bien garder et la maintenir. C’est là mon vœu, c’est celui de mon gouvernement. Celui que je te prie d’exprimer de ma part à la