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tant une joie sérieuse illuminait tous les visages. « Pas un dissentiment ne s’est trahi, écrivait M. Bresson, pas un cri hostile ne s’est fait entendre. » Enfin, le 10 octobre au soir, dans l’intérieur du palais, le patriarche des Indes, archevêque de Grenade, célébrait le mariage de la reine d’abord, puis le mariage de l’infante ; le lendemain 11, la même cérémonie s’accomplit dans l’église de Notre-Dame d’Atocha. C’est l’usage espagnol que les mariages royaux soient célébrés deux fois, la première devant la famille, la seconde devant la nation. Une foule immense remplissait les nefs et les galeries de Notre-Dame ; en dehors de l’église, sur tout le parcours du royal cortège, aux fenêtres, aux balcons, la population de Madrid saluait respectueusement les deux couples.


III

Le dernier acte de ce drame, ou du moins de cette vive comédie espagnole, est rempli tout entier par l’explosion des colères anglaises. M. Guizot glisse très légèrement sur ce point. Il indique le mécontentement de lord Palmerston, le dépit de sir Henry Bulwer, qui se retire à Aranjuez, les susceptibilités de lord Normanby, ambassadeur d’Angleterre à Paris, qui interrompt presque ses relations avec le gouvernement français, mais il affirme en même temps que ce furent là des bouderies insignifiantes. Au plus fort des protestations de Bulwer, quand Bulwer s’abstint de paraître à la réception du corps diplomatique par les deux princes français, le belliqueux plénipotentiaire n’avait-il pas adressé à son ardent collègue, le comte Bresson, la lettre la plus amicale ? Le comte Bresson n’avait-il pas répondu sur le même ton, non pas de courtoisie seulement, mais de sincère amitié ? Enfin, à Paris, le représentant de lord Palmerston ne s’est-il pas hâté de se réconcilier personnellement avec le ministre de Louis-Philippe dans les salons de l’ambassadeur d’Autriche ? Ainsi donc, tout est fini, voilà l’impression qui résulte du récit de M. Guizot ; les ministres anglais se sont aperçus que leurs craintes au sujet de ces mariages étaient bien exagérées et leur langage bien agressif. Tout est fini, ou du moins tout va finir ; cette longue bataille diplomatique ne laissera aucune amertume dans l’âme de nos contradicteurs.

Étrange conclusion d’un récit d’ailleurs si loyal ! Il faut le dire, quoi qu’il en coûte : rien n’est plus contraire à la vérité. Le lecteur qui s’en tiendrait sur ce point aux Mémoires de M. Guizot n’aurait aucune idée de ce douloureux et terrible dernier acte. M. Guizot a plaidé ici pro domo suâ, c’est pro domo suâ qu’il a été si long, si expansif, dans tout ce qui concerne les négociations relatives au