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une vraie déclaration de principes avec une demande à brûle-pourpoint. Écoutez-le : « Entre un prince français et un prince allemand, réduit, adossé à ces termes, je n’hésiterais pas un moment, je ferais choisir un prince français. Ici, cher ministre, mes antécédens me donnent le droit de soumettre respectueusement au roi et à vous quelques observations personnelles. En 1831, quand la question s’est posée en Belgique entre le duc de Leuchtenberg et le duc de Nemours, je me suis trouvé dans une position identique. Je ne rappellerai pas à sa majesté cette conversation que je suis venu chercher à toute bride de Bruxelles, et que j’ai eue avec elle, le maréchal Sébastiani en tiers, le 29 janvier au point du jour. Les circonstances étaient imminentes, au dedans et au dehors ; tout bon serviteur devait payer de sa personne ; j’ai pris sur moi une immense responsabilité : j’ai fait élire le duc de Nemours, et je n’hésite pas à reconnaître que je l’ai fait sans l’assentiment du roi et de son ministres ». Il a beau dire qu’il y a compromis sa carrière, sa réputation même, qu’il a touché à sa ruine, on voit qu’il serait encore tout prêt à recommencer, tant la bataille l’excite et l’appelle ! Il aimerait mieux cependant être couvert par les ordres de son chef, craignant, si on le désavouait une seconde fois, de ne plus être aux yeux de tous qu’un brûlot de duperie ou de tromperie. « Expliquons-nous donc secrètement, entre nous, mais sans détour. Sur quoi puis-je compter ? votre résolution est-elle prise ? Êtes-vous préparé à toutes ses suites ? .. Si la combinaison napolitaine échoue, si, après avoir tenté, je l’atteste sur l’honneur, tous les efforts pour la faire triompher, je me trouve forcément amené, — pour épargner à notre roi et à notre pays une blessure profonde, — à faire proclamer un prince français pour époux de la reine, accepterez-vous ce choix et en assurerez-vous à tout prix l’accomplissement ? J’espère, cher ministre, que le roi ne pensera pas, que vous ne penserez pas qu’en vous adressant une question si grave et si précise, je m’écarte du respect que je dois et veux toujours observer. L’imminence du danger a pu seule me conduire à mettre de côté tous les détours et toutes les circonlocutions d’usage. »

Voilà l’homme tout entier. M. Guizot se hâte de calmer son ardeur, il lui dit qu’il n’y a pas lieu d’aller si vite, il lui rappelle que la combinaison Trapani n’est pas encore abandonnée, qu’à défaut du comte de Trapani, les deux infans, fils de don François de Paule, le duc de Cadix et le duc de Séville, ont leur place dans le plan général de la France, qu’il ne faut donc ni déprécier leurs titres ni méconnaître leurs chances possibles.

Il est bon de remarquer ici, pour apprécier exactement la suite des faits, que M. Guizot, tout en calmant l’humeur impétueuse de notre ambassadeur, ne fut pas du tout fâché de lui voir ces