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combattu secrètement, assure-t-on, par la politique française, avait été décidé surtout par l’influence de lord Palmerston, chef du foreign office, dans le ministère Melbourne. Le roi de Portugal avait un frère, le prince Léopold, jeune homme de bonne mine et d’esprit cultivé. Est-ce l’époux de dona Maria qui conçut le projet de marier son frère à la reine Isabelle ? Espérait-il que le gouvernement anglais, si favorable au mariage d’un Cobourg avec la reine de Portugal, montrerait les mêmes dispositions au sujet de la couronne d’Espagne ? Il avait eu pour lui en 1836 la protection de son oncle le roi des Belges ; pensa-t-il que son frère, en 1841, ajouterait à ce patronage l’appui de son cousin le prince Albert et la haute autorité de la reine Victoria ? toute cette affaire est très obscure. M. Guizot nous apprend dans ses Mémoires que l’idée de marier le prince Léopold à la reine Isabelle se produisit en effet vers l’année 1841. À qui vint-elle d’abord ? Par qui fut-elle mise en avant ? Il déclare qu’il ne saurait le dire. M. Ernest de Stockmar, qui parle ici d’après les notes de son père, prétend que les premières ouvertures faites à ce sujet seraient venues de Marie-Christine elle-même. Marie-Christine, assure-t-il, quoique très favorable à un prince français, soit pour la reine Isabelle, soit pour l’infante Luisa-Fernanda, aurait fait insinuer plusieurs fois à la cour d’Angleterre qu’elle marierait volontiers la reine sa fille à l’un des princes de Saxe-Cobourg. Elle avait indiqué d’abord parmi ces princes celui qui tenait la première place, le duc Ernest, héritier présomptif du duc régnant, le frère aîné du prince Albert ; puis, voulant simplifier la question, elle avait désigné le cousin du duc héritier, le prince Léopold, le plus jeune frère du roi de Portugal[1]. Seulement, s’il faut en croire Stockmar, ces ouvertures n’auraient pas fait la moindre impression sur le gouvernement anglais. Aucun homme

  1. La maison de Saxe-Cobourg-Gotha, cette maison si rapidement ascendante, comme dit M. Guizot, se divisait alors en plusieurs branches. Il y avait d’abord la branche régnante, dont le chef à cette date était le duc Ernest Ier Le duc Ernest Ieravait deux fils, l’un qui lui succéda en 1844 sous le nom d’Ernest II, l’autre le prince Albert, qui épousa en 1840 la reine Victoria. — Ensuite venait la branche cadette, celle du prince Ferdinand, frère du duc Ernest Ier qui avait trois fils et une fille. L’aîné de ses fils, le prince Ferdinand, est celui qui en 1836 était devenu roi de Portugal et des Algarves par son mariage avec dona Maria ; le second, le prince Auguste, épousa en 1843 la princesse Clémentine d’Orléans, fille du roi Louis-Philippe ; le troisième est le prince Léopold, dont il est question dans notre récit. La fille du prince Ferdinand, sœur des princes que nous venons de nommer, est la princesse Victoire, qui avait épousé le duc de Nemours en 1840. — Enfin, la troisième branche est celle du prince Léopold, fondateur du royaume de Belgique. — Ces trois frères, le duc Ernest, le prince Ferdinand, le prince Léopold, dont la descendance occupe les trois trônes d’Angleterre, de Belgique et de Portugal, avaient deux sœurs, l’une, la princesse Julienne, l’aînée de toute la famille, mariée très malheureusement en 1796 au grand-duc Constantin de Russie et divorcée en 1820 ; l’autre, la princesse Victoria, qui est devenue la duchesse de Kent, mère de la reine d’Angleterre.