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et des mercenaires étrangers. Ses gardes du corps surtout avaient grand air : riches pourpoints à ses couleurs (rouge et jaune), écharpes brodées, ceinture à boucle ciselée retenant l’épée. A la fière prestance de ces hommes répondait leur bravoure ; seulement on ne pouvait s’y fier. Ces troupes d’ailleurs appartenaient bien moins à leur général qu’aux divers chefs qui les avaient racolées et les regardaient comme une sorte de propriété. Ces chefs étaient des condottiers : barons romains, seigneurs de villes et de territoires dans l’Ombrie et la Marche, — et l’on conçoit aisément quel sinistre épouvantail devait être à leurs yeux le sort infligé par César à l’élite des châtelains de la Romagne, les Colonna, les Savelli, etc. Cependant le pape armait vigoureusement. On préparait une expédition pour la toscane, où les dissensions entre Sienne et Florence et la guerre de Pise offraient des avantages à ne pas dédaigner. Tandis que ses alliés Vitellozzo-Vitellozzi et Pandolfo-Petrucci enlevaient Arezzo d’un coup de main, César prenait Urbin par ruse et trahison, et forçait le duc Guibaldo à gagner d’abord Mantoue, puis Venise. Peu de jours après, une transaction secrète le rendait maître de Camérino, et ses sbires égorgeaient César Varano et ses deux fils, qui, moins heureux que Guibaldo, n’eurent pas le moyen de fuir. Urbin et Camerino devenaient des fiefs du duc de Romagne et de Valentinois ; mais partout déjà s’organisait la résistance. Si l’Italie avait eu, comme avant 1494, une politique nationale, un ensemble systématique de gouvernement, rien n’eût été plus simple que de mettre ordre à de tels agissemens.

Le malheur voulait que, de tous les états italiens, Venise fût le seul ayant alors une importance politique et militaire, et Venise, placée entre la France et l’Allemagne, avait ses mouvemens paralysés. Notre Louis XII était l’arbitre omnipotent ; dans l’été de 1502, quand il parut en Lombardie, le roi fut assiégé de protestations et de plaintes portées contre les Borgia ; l’universel mouvement de réprobation dont César et son père le pape étaient l’objet produisit sur. Louis XII une impression très grave. Il se montra mécontent, irrité, et la cause des deux compères eût pris un vilain tour sans l’intervention du cardinal d’Amboise, qui réussit à ramener son maître, si bien que, les ambassadeurs de Venise s’efforçant d’éclairer le monarque et de lui représenter qu’il était peu séant pour le roi très chrétien de couvrir de sa protection un brigand souillé de crimes abominables, Louis XII leur répondit qu’il ne pouvait empêcher le saint-père de régir à son gré les territoires de l’église.

C’était à ses propres condottiers que le duc de valentinois allait maintenant avoir affaire. Le duc, au moment d’attaquer Bologne, apprend la défection de ses capitaines et reçoit en même temps la nouvelle d’un retour offensif de Guidobaldo contre Urbin. Sur la