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« une question d’honneur et de loyauté. » A peine les victoires prussiennes ont-elles été assurées, c’est La Marmora qui est signalé à Berlin, sur un mot d’ordre mystérieux, comme ayant trahi l’alliance de 1866, comme le grand ennemi ! C’est lui qui est devenu la bête noire des Allemands et de M. de Bismarck ; c’est contre lui qu’on propose à Rome des lois répressives destinées à apaiser l’Allemagne ! Et, d’un autre côté, dans les partis italiens, quel est celui qui s’est montré le plus acerbe contre le général de La Marmora, le plus favorable aux prohibitions, aux restrictions de publicité :? C’est la gauche aujourd’hui régnante. Le livre des Segreli di stato aura-t-il assez d’influence pour suspendre le vote de l’article nouveau du code pénal italien dans la chambre des députés de Rome ? Il y a dans tous les cas un phénomène contemporain qui donne singulièrement raison au général de La Marmora. Pendant qu’on discute sur les « secrets d’état » et sur les manières de réprimer les divulgations, ces secrets s’échappent sans cesse. Depuis trente ans, les révélations se sont succédé tantôt en Angleterre, tantôt en France, tantôt en Italie, et M. de Bismarck n’a pas été le dernier à se les permettre quand il s’y est cru intéressé. En ce moment même, tandis que paraît le nouveau livre du général de La Marmora, on met au jour en Italie un rapport secret que M. Nigra adressait en 1866 au prince de Carignan exerçant la régence pendant que le roi était à la tête de l’armée, et ce rapport, assurément remarquable, dévoile une fois de plus les confusions, les défaillances de la politique napoléonienne à cette époque.

On a beau faire, la lumière éclate un jour ou l’autre. Ces révélations sont souvent un abus sans doute, elles créent des embarras aux gouvernemens, et la difficulté est de les prévenir ou de les réprimer. La seule compensation, le général de La Marmora l’indique avec une confiance digne d’être partagée : c’est que désormais, au temps où nous vivons, la crainte d’une publicité toujours possible reste une garantie d’honneur dans les relations des peuples et le frein salutaire des ministres qui seraient tentés de mettre la main à des combinaisons inavouables, à de mauvaises actions diplomatiques. Ce n’est pas en s’inspirant de ces sentimens que l’Italie nouvelle risque de s’égarer.

Les États-Unis touchent donc au moment où la question présidentielle va être réglée, où toutes les difficultés de cette élection laborieuse, obscure et si violemment disputée, vont être résolues. La principale de ces difficultés, on le sait, était dans l’appréciation des votes émis dans quatre états, la Floride, la Louisiane, la Caroline du sud et l’Orégon. A qui appartiendraient ces votes ? Chaque parti les revendiquait pour son candidat une commission d’arbitrage, composée de cinq sénateurs, cinq représentans et cinq membres de la cour suprême, a été nommée pour trancher le différend, et cette commission est arrivée, non sans peine, au bout de son œuvre. C’est le candidat démocrate, M. Tilden, qui a eu la mauvaise chance ; s’il n’a pas perdu de terrain, il n’en a pas gagné,