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effets. Sans doute elle peut avoir des parties défectueuses par elles-mêmes ou par l’épreuve qui en a été faite. Il est certain notamment que le volontariat d’un an n’a pas été appliqué avec une intelligence complète de l’institution. C’est une fausse application à rectifier. D’autres dispositions peuvent demander aussi une exécution mieux entendue ; mais enfin cette loi de 1872 longuement étudiée, mûrement votée, reste le principal ressort de notre organisation militaire. Avant même qu’elle soit suffisamment éprouvée cependant, on propose de la changer ! On ne réfléchit pas que, cette loi laissât-elle à désirer sous quelques rapports, elle vaudrait mieux qu’une perpétuelle mobilité, que, si la proposition récente était adoptée, il faudrait nécessairement tout recommencer dans d’autres conditions. Ce n’est sans doute encore qu’une prise en considération qui n’implique en aucune façon heureusement une adoption définitive. Il n’est pas moins vrai qu’une commission va être nommée, que toutes les discussions vont se renouveler, et pendant quelque temps notre organisation militaire se trouvera mise en doute dans un de ses principes essentiels. Voilà le danger, et ce qu’il y a de plus étrange, c’est que, si le gouvernement ne s’est pas prêté a cette prise en considération, il ne s’y est point opposé, sous le singulier prétexte de témoigner sa déférence à la chambre. On nous permettra de le dire, la vraie déférence qu’un gouvernement doit à une assemblée inexpérimentée, c’est de ne pas la laisser sans direction et de l’arrêter quand elle va se livrer à une imprudente fantaisie.

La politique est un champ de bataille : c’est peut-être, sans parler de l’occasion, ce qui avait tenté, à une époque déjà ancienne, un homme que la mort vient d’enlever au monde parlementaire et qui avait passé une partie de sa vie dans des luttes d’un autre genre, qui s’était recommandé au pays par ses services dans une autre carrière. Le général Changarnier s’est éteint tout récemment plein de jours à sa quatre-vingt-quatrième année. Malgré le poids de l’âge et bien des circonstances contraires, c’était encore une figure. Avec sa tenue soignée, ses manières qui se ressentaient du commandement, son allure ferme et droite, ce vieillard, qui se raidissait contre les ans, représentait tout un passé voyageant chaque jour sur le chemin de Versailles.

Le général Changarnier était à la fois un des aînés et un des derniers survivans de cette génération d’africains qui se formait autrefois sous l’illustre maréchal Bugeaud, qui a compté les Lamoricière, les Cavaignac, les Bedeau, les Duvivier. Comme ceux-ci, il avait grandi dans cette guerre d’Afrique, il avait eu son jour légendaire à la retraite de Constantine, il avait conquis sa renommée par tous les dons supérieurs de l’action et du commandement. Comme ses brillans émules, il avait été aussi fatalement attiré dans la politique en 1848, et un moment même, durant cette période agitée, sous la présidence napoléonienne, il avait été presque l’espoir du parlement contre le futur empereur. Il s’était