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force d’être excitée, la volonté se nuit à elle-même, et ce parfait équilibre des facultés intellectuelles est rompu aussi bien par l’excès que par le défaut de volonté.

On dit généralement que le café produit l’anémie du cerveau, tandis que l’opium et l’alcool amènent la congestion de cet organe ; mais cette théorie physiologique est loin d’être fondée sur des bases indiscutables, et de nouvelles observations sont nécessaires. Cependant on connaît très exactement le rôle du café dans la nutrition générale : il ralentit les combustions organiques, en sorte que c’est un aliment d’épargne, ainsi qu’on l’a dit avec justesse. En effet, à l’état normal, il se passe dans l’intimité de nos tissus une infinité d’actions chimiques dont le résultat final est la production de chaleur et la mise en liberté d’acide carbonique. Cet acide carbonique passe dans le sang veineux, et le sang veineux, arrivant au poumon, se débarrasse de tout l’acide carbonique qu’il contenait. La quantité d’acide carbonique est donc, jusqu’à un certain point, l’expression de l’activité nutritive. Or avec le café, sans que les forces, aient diminué, sans qu’il soit nécessaire de respirer plus d’oxygène, ou de consommer plus d’alimens, la quantité d’acide carbonique diminue, et les forces ne se trouvent pas amoindries. On cite toujours à ce propos le fait de ces mineurs de Belgique qui peuvent faire un travail considérable presque sans prendre d’alimens, soutenus seulement par l’absorption d’une grande quantité de café. C’est donc un aliment modérateur de la nutrition, puisqu’il diminue l’activité des renouvellemens chimiques incessans qui s’effectuent dans la trame de tous nos tissus. On pourrait encore citer d’autres substances analogues au café sous ce point de vue, notamment le thé et le coca. Il est probable que la caféine, la théine et la cocaïne, qui sont les principes actifs de ces alimens, ont entre elles une analogie à la fois chimique et physiologique, et que leurs effets sur les fonctions intellectuelles sont à peu près identiques.

Peut-être est-il encore d’autres poisons de l’intelligence, notamment la belladone et le tabac ; mais les principes actifs contenus dans ces plantes, l’atropine et la nicotine, agissent surtout sur la fibre musculaire, et leur action sur les fonctions cérébrales semble être consécutive à l’action qu’elles exercent sur les fonctions de la moelle épinière.


Après avoir étudié isolément l’action de l’alcool, du chloroforme, du hachich, de l’opium et du café, il nous sera facile de résumer l’histoire des troubles que ces substances produisent dans les fonctions intellectuelles. De même que l’étude des troubles fonctionnels de la moelle épinière, sous l’influence de la strychnine, du