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force croître avec ses griefs. La presse se fit l’écho, timide d’abord, indigné bientôt, d’une pareille oppression. Ces phrases brèves et incisives, <$ui précèdent une révolution et en deviennent le mot d’ordre, circulèrent. « L’impôt sans le droit de représentation est une tyrannie, n écrivait James Otis.

La lutte commençait ; nombre d’esprits ardens et aventureux se jetèrent dans la mêlée. Les rares journaux publiés à Boston, New-York, Annapolis, Charleston, virent s’augmenter considérablement le nombre de leurs lecteurs. D’autres se fondèrent. Samuel Adams lança le premier à l’Angleterre le mot attribué depuis à Napoléon Ier : nation of shopkeepers (nation de boutiquiers). On le retrouve dans l’Indépendant Advertiser de1748. A ses côtés, Hugh Gaine, Philip Freneau, le poète de la révolution, James Otis, John Adams, Samuel Cooper, Joseph-Warren, Benjamin Austin, combattant les prétentions de l’Angleterre, prêchaient la résistance à l’oppression, et Benjamin Franklin répondait hardiment aux menaces des autorités : « Quiconque peut, comme moi, vivre de pain et d’eau n’a besoin de personne et ne craint personne. »

Devant ces symptômes, le gouvernement anglais s’émut. Des troupes furent envoyées aux colonies ? les journaux, menacés d’abord, suspendus ensuite, se publièrent en cachette. Le Stamp act, dirigé surtout contre eux, vint mettre le feu aux poudres. Il imposait un droit de timbre de 5 à 20 centimes par exemplaire et de 2 shillings (2 fr. 50 cent.) par annonce. C’était la ruine de la presse, et cela au moment où la presse devenait le symbole et le palladium des droits des colonies. « Le soleil de la liberté s’est couché, écrivit Benjamin Franklin, il ne reste plus aux Américains qu’à allumer les lampes de l’industrie et de l’économie. » — « Soyez assuré, lui répondit le colonel Thompson dans son journal, que nous allons allumer des torches et non des lampes. » La foule acclama, envahit les résidences des autorités anglaises, les saccagea, aux cris de « vive la liberté, pas de timbre ! » Dans l’assemblée de la Caroline du nord, le président John Ashe répondit au gouverneur Tyron : « Nous résisterons à cette loi jusqu’à la mort. » Le premier navire qui apporta d’Angleterre la cargaison de papier timbré, destiné aux colonies reçut ordre du colonel Ashe, soutenu par la population, de s’éloigner sous peine de voir son chargement jeté par-dessus bord. Les autorités hésitèrent, et cette hésitation raviva le courage des hommes politiques plus clairvoyans qui ne cessaient, dans le parlement, de défendre la cause des colons. Camden, Pitt, Barre, provoquèrent une enquête, et la formation d’une commission apétale. Benjamin Franklin, mandé à la barre de la chambre des communes, plaida éloquemment les droits de ses compatriotes. Ses