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voir dans la colonie. Enhardi par le succès, Campbell ne s’enferma pas longtemps dans le cadre étroit de son premier numéro. Timidement d’abord, il donna quelques rares nouvelles commerciales, maritimes, puis enfin politiques. Il se sentait surveillé ; mais l’opinion publique l’appuyait et le poussait à marcher en avant. Il reproduisit quelques extraits de la Gazette de Londres) cependant il faut croire que les exemplaires lui parvenaient avec irrégularité, car dans un de ses numéros il s’excuse modestement auprès de ses lecteurs d’être en retard de treize mois sur les nouvelles d’Europe. Est-ce là ce qui nuisit à son succès pécuniaire ? Nous ne savons ; en tout cas, ce ne fut pas la concurrence. Quoi qu’il en soit, après quinze ans d’existence le News Letter n’était pas dans une position brillante, à en juger par un appel que Campbell adressa à ses lecteurs. Il leur dit que la vente hebdomadaire atteint à peine 300 numéros, qu’il est obligé d’augmenter le prix de l’abonnement de 6 shillings par an, et qu’encore à ce prix il couvrira seulement ses frais matériels et ne recevra aucune rémunération pour son travail personnel.

Ce second début n’était pas encore encourageant ; pourtant il y avait progrès. Un journal, prenons ce titre ambitieux à défaut d’autre, avait pu vivre quinze années. La carrière était ouverte, de nombreux concurrens allaient entrer en lice.

Campbell ne les vit pas avec plaisir. Le Boston Gazette publia son premier numéro le 21 décembre 1719. « Je plains les lecteurs de cette nouvelle feuille, écrit-il dans le numéro qui suivit la publication de son rival, on y sent l’odeur de la bière bien plus que celle de la lampe. C’est une lecture malsaine pour le peuple. Pour moi, voici près de seize ans que je publie mon journal, et je puis dire que c’est à lui que l’on doit d’avoir si peu de fausses nouvelles en circulation. » vraies ou fausses, il est certain que Campbell en mettait peu en circulation, et on ne saurait accuser ses contemporains d’ingratitude pour l’accueil qu’ils firent à son rival d’abord, puis en 1721 au Courant publié par James Franklin, frère de l’illustre Benjamin Franklin, qui n’allait pas tarder à entrer en scène et à donner un vigoureux essor au journalisme américain. James Franklin releva vivement les attaques de Campbell et le réduisit au silence. Le pionnier de la presse de Boston abdiqua et rentra dans la vie privée, non sans prédire toutes les catastrophes possibles à ses concurrens. Ces discussions personnelles n’étaient guère de nature à intéresser longtemps le public. Il importait d’élargir le champ des débats. Les circonstances s’y prêtèrent, et Benjamin Franklin débuta dans le journalisme en se constituant l’avocat et le défenseur de la vaccine. Lady Wortley Montague venait d’importer d’Angleterre