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l’obligeaient à un labeur incessant. Le plaisir sous toutes ses formes, même les plus modestes, était banni, La musique était condamnée comme un instrument de Satan, le chant dans les temples devait être sans accompagnement. Amos n’avait-il pas écrit : « Je ne veux plus entendre la mélodie de tes violes ? » L’élément puritain, fortifié par d’élément hollandais, qui colonisa New-York, réussit, dans les premières années, à faire dominer ses vues et ses tendances dans les colonies du sud ; mais, bien que la race fût la même, le milieu était changé. Les conditions de la vie étaient autres, autres aussi le climat, les productions du sol. La grande divergence des peuples du nord et des peuples du midi s’accusait et s’accentuait, en attendant l’heure de la lutte inévitable, lutte aujourd’hui terminée en apparence.

Le point de départ de ces deux civilisations parallèles est le même. Chez toutes deux, nous retrouvons les mêmes traits caractéristiques : l’amour de l’indépendance, le sentiment religieux. Mais dans le nord la nature même du sol et du climat limite l’indépendance excessive et facilite le groupement de la population ; dans le sud, au contraire, tout favorise et développe le premier au détriment du second. Dans les états de la Nouvelle-Angleterre, l’église est le centre autour duquel se construisent les habitations. Constamment en lutte avec la nature, l’homme a besoin de se rapprocher de l’homme, l’isolement est un danger et une difficulté nouvelle ajoutée à tant d’autres.

Les conditions de la vie sont bien différentes dans la Virginie, dans la Caroline du sud. Les colons qui s’y fixent se recrutent dans une autre classe de la population anglaise que les émigrans du nord. Les modestes ressources de ces derniers les contraignent au travail aussitôt débarqués et ne leur permettent pas les dépenses nécessitées par un long et coûteux voyage pour ce rendre de New-York ou de Boston dans les colonies du sud. De grandes concessions de terres ont d’ailleurs précédé les colons. Certaines familles de l’aristocratie anglaise ont reçu de la couronne, à titre d’apanage ou de don, de vastes espaces incultes qu’elles abandonnent aux fils cadets. Ces dernière viennent demander à ce nouveau continent la fortune que leur enlève le droit de primogéniture, et la vie large et facile à laquelle ils sont habitués. Des plantations se fondent, isolées les unes des autres ; le sol, puissamment riche, donne en abondance le nécessaire et bientôt le superflu.

Si la vie est rude et simple, si le luxe et le confort n’existent pas encore, les élémens qui les constituent ne font pas défiant ? d’abord la grande propriété, puis un nombreux personnel de serviteurs ou d’esclaves ; les travaux d’une plantation l’exigent. Les chevaux