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REVUE. — CHRONIQUE.

de l’empire ottoman; » elles « garantissent en commun la stricte observation de cet engagement et considèrent en conséquence tout acte de nature à y porter atteinte comme une question d’intérêt général. » Au moment de clore une guerre entreprise en faveur de l’indépendance de l’empire ottoman contre l’empire russe, les puissances n’abandonnent pas sans doute le droit de conseiller ou de redresser la Turquie, de protéger les populations orientales; mais en même temps, en prenant acte d’un firman de réformes communiqué par le sultan, elles se hâtent d’ajouter, de concert avec la Russie, par l’article 9 : «Il est bien entendu que cette communication ne saurait en aucun cas donner le droit auxdites puissances de s’immiscer soit collectivement, soit séparément dans les rapports de sa majesté le sultan avec ses sujets, ni dans l’administration intérieure de son empire. » Autre article qui résume et consacre le droit public de l’Europe vis-à-vis de l’Orient : « S’il survenait entre la Sublime-Porte et l’une ou plusieurs autres des puissances signataires un dissentiment qui menaçât le maintien de leurs relations, la Sublime-Porte et chacune de ces puissances, avant de recourir à l’emploi de la force, mettront les autres parties contractantes en mesure de prévenir cette extrémité par leur action médiatrice. » Que résulte-t-il de ces articles, qui n’ont rien de suranné, qu’on ne peut oublier? C’est que manifestement, si l’Europe garde le droit de se préoccuper de ce qui se passe en Turquie, de l’état des populations chrétiennes, ce droit, fût-il exercé avec la plus généreuse libéralité, a nécessairement pour limite l’indépendance de l’empire ottoman; c’est qu’aucune des puissances ne peut régulièrement poursuivre une politique distincte et séparée, surtout une politique d’action coercitive, avant de recourir à l’arbitrage occidental; c’est qu’enfin d’un commun accord la considération suprême de la paix et de l’équilibre du monde domine désormais les rapports de l’Europe avec l’Orient.

S’est-on toujours souvenu de tout cela depuis dix-huit mois et même dans cette conférence qui, sans avoir été inutile, n’a pas sûrement trouvé la solution ? N’a-t-on pas plus d’une fois dépassé le but dans les propositions qu’on faisait au risque de laisser à la Turquie la ressource facile d’embarrasser la diplomatie par ses appels aux traités? On n’a pas réussi, au moins pour le moment, ont trouvé des résistances qui n’étaient pas entièrement prévues. Maintenant, après avoir commis une première faute par ce que nous appellerons une généreuse imprudence ou par des programmes peu pratiques, veut-on commettre la seconde et irréparable faute d’aller plus loin sans savoir où l’on ira ? Croit-on le moment venu d’en finir avec toutes ces dispositions anciennes du droit public, de livrer à la force ce problème de l’Orient, d’abandonner aux inspirations particulières de toutes les politiques ce qu’on était convenu de placer sous la garde collective de l’Europe? Voilà justement la question