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pour l’arrosage d’un hectare durant tout l’été sont une dose qui est bien loin d’atteindre la limite à laquelle il y aurait excès d’humidité. C’est donc par pénurie d’eau que l’on se contente de si faibles arrosages dans le Midi, alors que dans les régions montagneuses des Vosges, du Limousin et des Pyrénées, où les ruisseaux ne manquent pas, on arrose plus largement les prairies pour nourrir l’herbe et accumuler dans le gazon des réserves de matières fertiles. De tels arrosages suffisent pour assurer d’abondans fourrages, alors que dans le Midi ces irrigations réduites exigent le secours de puissantes fumures. On ne peut donc qu’approuver le conseil général des ponts et chaussées, qui, dans la rédaction des conditions de souscription au canal du Rhône, a forcé un peu la dose usuelle en prenant pour base de l’arrosage d’un hectare le volume d’eau que donnerait le débit d’un litre par seconde, pendant la période estivale comptée à 180 jours, ce qui correspond à 15,500 mètres cubes à l’hectare. La quantité disponible pour les arrosages pendant l’été étant de 622,000,000 de mètres cubes environ, 40,000 hectares pourraient seulement bénéficier des irrigations, c’est-à-dire à peine un cinquième des terres dominées par le canal.

Tout en appelant de ses vœux la prompte réalisation de cette féconde entreprise, on ne peut s’empêcher d’être frappé de la disproportion qui existe entre le développement des canaux et la quantité d’eau qu’ils débiteront. L’œuvre sera évidemment tronquée, elle ne donnera pas son maximum d’effet utile, si l’on ne peut accroître ce volume d’eau, et le rendre ainsi capable de fournir de plus abondantes irrigations. Les frais de construction en seraient accrus, mais non en proportion de l’augmentation des services rendus. C’est surtout après le passage sur la rive droite, après le tribut payé à la plaine d’Orange, qu’il faudrait réparer les pertes de la canalisation par des emprunts faits à divers cours d’eau traversés, tels que le Gardon, l’Hérault, l’Orb et l’Aude. Ce réapprovisionnement paraîtrait d’autant plus à propos que les crues de ces rivières en hiver pourraient suppléer au déficit d’eau du Rhône à l’état d’étiage. La demande de ces dérivations a été faite dans quelques commissions d’enquête, mais il n’y a pas été encore donné suite. Craint-on que ces rivières, torrentueuses en hiver, n’ensablent le canal? d’inextricables difficultés sont-elles à redouter par suite des servitudes d’usines, de moulins, etc., qui sont toujours d’autant plus grandes que le cours d’eau est plus petit? Du reste on ne saurait trouver mauvais que ces diverses rivières soient utilisées par leurs propres bassins. Il faut même souhaiter que des travaux de petite canalisation, relativement peu coûteux, puissent permettre l’irrigation des terrains au-dessus du grand canal projeté.

C’est donc au Rhône même qu’il faut demander une plus large