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proportions téméraires et inexécutables. Son débit sera de 930 millions de mètres cubes, durant toute la période estivale du 15 avril au 15 septembre, et seulement de 700 millions de mètres cubes pendant la période hivernale comprenant les six autres mois de l’année. La prise d’eau est moindre en hiver qu’en été; c’est la conséquence du régime du Rhône, que la fonte des neiges alpines alimente abondamment en temps chaud, tandis que les autres fleuves de France se grossissent des pluies d’hiver et des neiges peu durables. Le mois de chômage nécessaire aux réparations de tout canal sera donc choisi en hiver pour la dérivation du Rhône.

D’après les prévisions du projet, les deux tiers du volume d’eau seront consacrés à l’arrosage ou à la submersion du sol; l’autre tiers se décompose en un sixième destiné aux distributions à courant continu pour l’usage des villes, et en un sixième considéré comme perdu par l’évaporation et par les fuites dans le réseau des canaux ou des rigoles.

Sur quelle étendue la quantité d’eau disponible pour les arrosages pourra-t-elle être répartie afin de produire le plus grand effet utile? c’est une question des plus complexes en économie rurale que celle du volume d’eau nécessaire pour arroser convenablement un terrain. Tant d’élémens divers peuvent modifier la donnée : d’abord la nature du sol, qui varie du sable pur des dunes toujours insatiables à l’argile compacte que la moindre rosée entretient en constante humidité. Il faut aussi tenir compte de la déclivité, l’eau glissant sur les terrains très inclinés sans les saturer. Enfin l’influence du climat est aussi très grande; les arrosages devront être d’autant plus répétés que l’évaporation est plus active sous un ciel plus clair et plus chaud.

Dans la vallée du Rhône, on estime généralement qu’une couche d’eau d’un mètre d’épaisseur, répartie en une vingtaine d’arrosages espacés de huit jours environ, est suffisante pour les cultures ordinaires durant la période estivale. Cette donnée correspond à 10,000 mètres cubes à l’hectare. Si l’on ne se préoccupe que d’entretenir dans le sol et les plantes le degré d’humidité convenable pour la facile circulation de la sève et la rapide croissance des végétaux, cette couche liquide d’un mètre, venant en supplément à la pluie, est certes suffisante pour le but proposé. Toutefois le rôle de l’eau est ainsi trop borné dans les irrigations; elle doit non-seulement rafraîchir les plantes, mais encore les nourrir par les substances fertilisantes tenues en dissolution ou en suspension, et par ses propres élémens, dont une partie se décompose pour s’incorporer aux tissus mêmes des végétaux. Si l’on veut que l’eau entre pour une large part dans la formation des plantes, il faut évidemment qu’elle soit donnée abondamment. Ainsi 10,000 mètres cubes