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sciences et des lettres, privées de leur auditoire véritable, sont obligées de s’en chercher un parmi les amateurs et les dilettantes. La meilleure solution serait de prendre le contre-pied de la loi de 1852, et de dire que nul ne sera reçu agrégé sans le certificat de scolarité, c’est-à-dire sans la preuve qu’il a passé trois ans comme élève en sciences ou en lettres auprès d’une université. Mais comme la transition serait peut-être un peu brusque, nous nous contenterons d’une concession à coup sûr bien modeste, savoir que le certificat de scolarité puisse tenir lieu du stage fait dans un lycée ou collège en qualité de maître d’étude ou de chargé d’une classe.

Il est vrai que cette mesure, qui amènera au plus une centaine d’étudians dans les amphithéâtres des sciences et autant dans ceux des lettres, ne les peuplera pas encore beaucoup. Mais il n’est pas nécessaire, pour rendre la vie à ces cours, de leur fournir un nombreux auditoire : tout dépend de la qualité des élèves. C’est ce qu’a montré jusqu’à l’évidence l’expérience faite depuis huit ans à l’École des hautes études ; a on y a pu voir qu’il suffit qu’un cours supérieur soit soustrait au public de hasard pour qu’immédiatement les études s’y relèvent, et pour qu’il forme des savans dignes d’être comparés à ceux qui sortent des meilleures universités étrangères[1]. »

Cependant des moyens plus radicaux ont été mis en avant : quelques réformateurs ont proposé de supprimer dans nos lycées les classes de philosophie et de mathématiques spéciales, pour en transporter les leçons et pour en introduire les élèves dans l’université. Mais je ne pense pas qu’une mesure qui ne ferait que déplacer ce qui existe puisse compter pour une réforme. Jeter des lycéens dans l’enseignement supérieur avant l’achèvement de leurs classes n’en fait pas pour cela de véritables étudians. On déprimerait l’enseignement des facultés et l’on aurait décapité sans compensation notre enseignement secondaire. Partout où l’étudiant arrive trop jeune ou avec des connaissances insuffisantes, l’enseignement supérieur dégénère rapidement : telle a été l’histoire de notre faculté des arts au moyen âge ; tel est aujourd’hui le sort de l’enseignement supérieur en Espagne.

Une idée plus heureuse est celle qui a été récemment développée par M. E. Boutmy, le directeur de la jeune École libre des sciences politiques. Il propose que dans certains examens, aux matières actuellement demandées (lesquelles sont maintenues et continuent à être les mêmes pour tous) soit jointe la matière de deux cours librement choisis par le candidat en dehors du programme. Il y aurait

  1. F. Baudry, Questions scolaires, p. 96.