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qu’on appelait la petite Sorbonne, et ce qui n’était pas autre chose que les docteurs libres, mais mis dans un bâtiment à part, sur des affiches à part. Quoiqu’il y eût au nombre de ces maîtres de la petite Sorbonne des hommes d’un vrai mérite, qui enseignent aujourd’hui au Collège de France, à l’École des langues orientales, dans les facultés de province, il a suffi de quelques choix malheureux pour compromettre l’institution, et à la première occasion l’administration fit fermer la petite Sorbonne. Si nous nous rappelons que, selon toutes les vraisemblances, le recrutement des maîtres de conférence et des professeurs se fera principalement parmi les docteurs libres, nous sentirons encore mieux la nécessité d’étouffer dès le principe des prétentions mal justifiées qu’on aurait de la peine à contenir ou à écarter plus tard. Le moment ne nous paraît pas encore venu de laisser aux universités le droit de s’adjoindre des docteurs libres à leur guise. Une commission scientifique siégeant à Paris et accordant la venia docendi aux candidats qui se présenteront devant elle nous paraît le meilleur moyen de protéger l’institution à ses débuts : il n’est pas question d’imposer aux candidats des épreuves uniformes, encore moins de les faire argumenter les uns contre les autres, comme cela s’est vu autrefois, comme cela se pratique encore en certains examens. A tel homme connu et désigné à l’avance par ses travaux, la commission ouvrirait sans autre formalité les portes de l’université. D’autres fois elle pourrait exiger des épreuves, telles qu’une leçon d’essai, une thèse. En général, le diplôme de docteur serait demandé; cependant, dans les premiers temps, il y aurait peut-être lieu d’en dispenser les savans adonnés à des recherches qui étaient exclues jusqu’à présent des programmes universitaires.

Une fois pourvu de la venia docendi, le jeune professeur choisira parmi les universités celle où il veut essayer ses forces. Seulement l’attrait qu’exerce Paris est si grand que la plupart, on peut le craindre, voudraient rester dans la capitale : déjà en Allemagne, au commencement du siècle, on remarquait que les privat-docenten s’entassent dans les grandes villes, où on en a le moins besoin, et que souvent on en manque dans les petites. Cet inconvénient avait frappé Meiners en 1801. Des expériences trop nombreuses peuvent donner à penser que plus d’un jeune homme aimerait mieux rester simple docteur pendant une suite d’années à Paris, que d’aller à Bordeaux où à Lyon même avec l’espoir d’y arriver bientôt au titre de maître de conférence et de professeur. N’en déplaise aux partisans d’une liberté absolue, je crois qu’un régime spécial devra être établi à cet égard, et qu’on devra poser comme règle, qu’un stage d’une durée déterminée auprès d’une université de province est la condition pour obtenir le droit d’enseigner à l’université de Paris.