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créée par lui il imposa le nom d’Université de France. Tandis que partout ailleurs le terme d’université désigne une corporation savante et enseignante établie dans un même lieu, nous disons, sans acception de lieu, sans distinction de degré, sans égard à la fonction, que le maître d’un collège communal ou le commis d’économat d’un lycée font partie de l’Université de France. Il ne faut pas dédaigner ce débat comme une puérile question de mots, c’est la grande discussion du passé et du présent que nous retrouvons ici, car l’Université de France, si bizarrement formé que soit son nom, est devenue chère au pays, grâce aux idées d’unité et de solidarité qu’elle rappelle, grâce aussi aux persévérantes attaques dont elle a eu à se défendre. Ce serait du reste une erreur de croire que l’Université de France n’eût été préparée par rien sous l’ancien régime. La vieille université de Paris, depuis plusieurs siècles, administrait l’enseignement dans un certain nombre de collèges de son ressort, et à partir du règne de Louis XIV elle était beaucoup plus occupée de cette surveillance que de ses propres leçons. Au XVIIIe siècle, l’université de Paris avait l’ambition d’étendre la même autorité sur la France tout entière ; on voit déjà se dessiner vers 1763, dans les écrits du président Rolland, l’idée d’une administration unique enveloppant toute l’instruction française, A la révolution, les anciennes corporations privilégiées appelées universités étaient fort oubliées ; il n’est donc pas surprenant qu’elles le soient encore davantage aujourd’hui. En 1871, lorsqu’il fut question de créer une université à Nancy, beaucoup d’habitans de la capitale lorraine s’imaginèrent qu’on y allait transporter le siège de l’Université de France. Comme il arrive souvent en histoire, l’héritier a pour lui la tradition, sinon celle des belles années, du moins celle de la vieillesse et du déclin.

Il faudra donc, selon toute apparence, conserver le mot dans les deux acceptions. L’inconvénient nous paraît peu de chose auprès du dommage qu’il y aurait, soit à supprimer un terme qui est devenu un symbole de l’unité nationale, soit à laisser à l’enseignement non officiel le privilège d’une expression qui rappelle de grands souvenirs historiques et qui a cours par toute l’Europe. Sans sortir de notre sujet, il serait aisé de trouver des exemples de mots employés en plusieurs sens : académie, par exemple, à toutes ses autres significations joint celle d’une circonscription territoriale de la France au point de vue de l’administration scolaire.

En combien de villes devra-t-on constituer ces centres d’enseignement supérieur appelés universités ? La question est une des plus difficiles qui se présentent. Si l’on consulte les intérêts du trésor et les ressources que la France possède actuellement en personnel,