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d’abord le Chinois, non plus sale, déguenillé, livré aux plus rudes métiers, comme à Hong-kong, mais grave, net, décent, parvenu par sa patience au rang de patron, plein de morgue, faisant sentir sa supériorité à l’indigène, qui l’accepte. Ce sont les Tagals dans le nord de Luçon et les Bissayos dans le sud qui, sous la désignation très vague d’Indiens, composent l’élément indigène soumis aux Espagnols. Quoique se rattachant à la famille malaise et à la race brune, les Tagals parlent un dialecte très différent du malais, subdivisé lui-même en plusieurs sous-dialectes qui varient suivant les provinces. Hors de la ville même, très peu d’entre eux comprennent quelques mots d’espagnol. Leur teint est d’un brun clair et semble susceptible de se rapprocher du jaune olivâtre quand ils mènent une vie sédentaire à l’abri du soleil ; leurs cheveux sont noirs et lisses, leur barbe rare, leur nez épaté, leurs lèvres épaisses, mais non saillantes comme celles du nègre, leurs yeux bien ouverts, noirs, expressifs, ombragés de longs cils; ils sont de taille moyenne et généralement bien faits. Les hommes coupent leurs cheveux courts, et, quand ils ne se coiffent pas, par économie ou par coquetterie, d’un chapeau de fabrication européenne, portent un chapeau de paille ou de cuir, terminé en pointe, dont la forme convexe rappelle exactement celle d’un couvercle de soupière et dont les ornemens d’argent atteignent quelquefois une grande valeur. Ils vont généralement pieds nus et n’ont pour tout vêtement qu’un pantalon de toile et une courte chemise retombant par dessus, le tout d’une blancheur toujours irréprochable. Il est rare qu’ils sortent, sauf pour un travail de force, sans emporter sous leur bras, attaché à la patte par un fil, leur inséparable ami, le coq de combat, qu’ils entretiennent dans un état d’exaspération perpétuel. Les femmes se contentent de relever par un peigne leurs cheveux, qu’elles laissent flotter sur les épaules; elles portent une jupe d’indienne rouge faite d’une pièce d’étoffe qu’elles entortillent sans ceinture autour de la taille; leur camisole courte, soulevée sur la poitrine par une gorge ferme et opulente, flotte au-dessus de la jupe sans s’y rattacher et laisse souvent voir la naissance des hanches. Un scapulaire pend toujours à leur cou; elles sont laides et ont l’allure moins dégagée que les hommes. Comme eux, elles ne cessent de fumer le cigare que pour chiquer le bétel. La seule coquetterie des femmes se concentre dans le choix de la camisole qui couvre leurs épaules et du fichu dont elles s’entourent quelquefois le cou ; le coton et la mousseline sont les étoffes les plus employées, mais la plus recherchée est le piña, c’est-à-dire un tissu d’un blanc mat, léger et transparent, fait avec l’écorce d’ananas. Quand le pilla est couvert de broderies, il ressemble à une dentelle et atteint une finesse admirable et des prix énormes ; une simple chemisette