Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 19.djvu/887

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

hotte comme les hommes. En peu de semaines, il mourut à Orléans plus de 10,000 personnes, dont un grand nombre étaient des fugitifs de Paris, de Blois, de Tours, de Gien.

Mme de Roye était arrivée à Strasbourg dans un véritable dénûment avec le jeune François de Bourbon, âgé de sept ans, les deux jumeaux nés à Gandelu et Mlle de Bourbon. « Dieu, madame, lui écrivit Calvin peu après, a honoré vos petits-enfans en les faisant pèlerins en terre estrange. » Elle avait secondé les démarches de son frère d’Andelot. Celui-ci réussit à faire des levées. Les catholiques avaient pris Bourges et Rouen; il ne leur restait plus qu’à prendre Orléans; D’Andelot, qu’on y attendait comme un sauveur, parut enfin vers le commencement de novembre. Il tomba malade à Orléans, et, tandis que la princesse de Condé le soignait, l’armée protestante, prenant l’offensive, marcha droit sur Paris. La princesse de Condé n’apprit qu’à ce moment que son beau-frère Antoine de Bourbon avait été tué au siège de Rouen. Elle n’accorda sans doute pas beaucoup de larmes à ce prince, mais elle envoya un gentilhomme en Béarn pour offrir ses condoléances à Jeanne d’Albret, qu’elle aimait comme une sœur. D’Andelot, rétabli, la quitta et alla joindre l’armée. Condé, qui avait fait jonction avec les reîtres, fut gêné dans sa marche sur Paris; il ne réussit pas à surprendre la capitale. Il fallut bientôt se retirer du côté de la Normandie pour donner la main aux Anglais. Près de Dreux, l’armée royale arrêta les protestans et Condé fut forcé de livrer une sanglante bataille. Il faut en lire le détail émouvant dans l’Histoire des princes de Condé. On en connaît l’issue. Condé, qui avait déployé une vaillance qui avait ému jusqu’aux vieux reîtres, était le soir du 19 septembre le prisonnier de Guise, son mortel ennemi. Le connétable, général en chef des catholiques, en revanche était le prisonnier des protestans, qui l’envoyèrent à Orléans.

On peut se figurer les tourmens de la princesse de Condé, enfermée dans Orléans; depuis des mois entiers, cette ville avait été non-seulement décimée par la peste, mais en proie à cette fièvre étrange qui s’empare des villes assiégées, saisie de colères folles qui s’étaient parfois traduites par d’injustes exécutions. Quelques fuyards apportèrent les premières nouvelles de la bataille; le lendemain du jour où elle s’était livrée, on apprit que le connétable était prisonnier : il arriva dans la soirée même. « Il avait été mené en si grande diligence, blessé et vieil comme il estait, qu’il porta presque le premier les nouvelles où on lui bailla pour hostesse la princesse de Condé, sa fille[1]. » Éléonore demanda à son oncle

  1. Mémoires de Castelnau.