Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 19.djvu/874

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en effet constaté que l’inexactitude des déclarations abaisse sensiblement l’échelle des droits. Tel produit, tel tissu, qui devrait supporter une taxe de 15 pour 100, n’en paie souvent que la moitié, parce que l’importateur ne déclare que la moitié de la valeur réelle et que le service des douanes ne saurait être toujours en mesure de réprimer ce genre de fraude. Il faudra donc, selon le vœu de notre industrie, procéder à la transformation des droits, et ce travail, qui est très complexe, peut soulever de nombreux conflits. Le manufacturier français voudra que le droit spécifique soit la représentation exacte des 10 ou des 15 pour 100 qui ont été convenus dans le traité de 1860; son concurrent anglais exigera que la taxe, sous la forme nouvelle, ne soit pas plus élevée que celle dont il a profité jusqu’ici en vertu de ses déclarations admises par la douane : le premier rappellera le texte et l’esprit du traité, le second se prévaudra du fait accompli et il considérera comme une aggravation ce qui ne serait en réalité qu’une application rectifiée du tarif conventionnel. Ces prétentions contraires sont d’autant plus difficiles à mettre d’accord qu’elles intéressent des industries très considérables, notamment le tissage, dont les représentans appartiennent, par tradition, au parti protectioniste. Ceux-ci ne laisseront donc pas échapper l’occasion de réclamer un relèvement des tarifs. En même temps, certaines industries entendent profiter de la révision des traités pour obtenir le bénéfice d’une protection plus efficace ; elles se plaignent de la surcharge d’impôts qu’elles ont à supporter depuis 1872 et qui a modifié, à leur détriment, les conditions de la concurrence avec l’industrie étrangère. Enfin il résulte de certains indices que les gouvernemens d’Italie, d’Autriche et d’Allemagne ne seraient pas éloignés de proposer pour divers produits l’établissement réciproque de taxes plus élevées. Ils n’invoquent, il est vrai, que des considérations fiscales et ils se défendent de vouloir à aucun degré retourner vers l’ancien régime économique; mais ils sont soutenus, poussés par les partisans de la protection, qui confondent très habilement leur cause avec l’intérêt financier.

Ce sont là des difficultés sérieuses qui se présentent, les unes à l’intérieur, les autres au dehors. Sur la question des droits spécifiques, les négociateurs français trouveront les élémens de discussion dans le travail qui a été préparé par le comité consultatif des arts et manufactures pour la rédaction d’un nouveau tarif. Quant aux clauses fondamentales des traités, c’est-à-dire aux droits de douane, loin de relever les taux qui ont été stipulés de 1860 à 1867, il faudrait plutôt procéder à des dégrèvemens, et faire quelques pas de plus vers la réalisation complète des réformes. L’industrie française n’a point souffert du régime qui lui a été imposé en lui causant tant d’effroi; elle a au contraire acquis un degré de prospérité