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soumettant les modifications de tarifs à la discussion parlementaire. Le gouvernement impérial, usant des pouvoirs conférés au chef de l’état par la constitution de 1852 pour la conclusion des traités, n’hésita plus à engager sa responsabilité en négociant avec l’Angleterre, et en supprimant diplomatiquement ces prohibitions qui avaient résisté à tous les procédés constitutionnels. Ainsi fut signé le traité du 23 janvier 1860, qui vint inaugurer l’ère des réformes commerciales.


II.

Le traité de commerce avec l’Angleterre avait été négocié dans le plus profond secret. Dès qu’il fut connu, il provoqua, en France et de l’autre côté du détroit, une grande émotion. La polémique s’engagea comme elle s’était produite au lendemain du traité de 1786, sous l’inspiration des mêmes intérêts et des mêmes frayeurs. En Angleterre, plusieurs branches d’industrie se plaignirent d’être sacrifiées à la concurrence française, désormais affranchie des lourdes taxes qui, maintenues jusqu’alors à titre de représailles, écartaient notamment les tissus de Lyon, de Saint-Étienne et de Mulhouse. M. Cobden, réputé le principal instigateur de la convention, était traité d’apôtre et de rêveur, plus soucieux de sa chimère que de la prospérité de son pays. En France, le parti protectioniste, qui, après avoir traîné la question d’ajournement en ajournement, se croyait sûr de remporter, sur le terrain parlementaire, une nouvelle victoire, exprima la plus violente indignation contre le gouvernement, dont la résolution soudaine et imprévue venait de ruiner tous ses plans de campagne : en outre, les adversaires politiques de l’empire s’élevèrent instinctivement et par principe contre un acte qu’ils qualifiaient de coup d’état économique. Le traité se bornait cependant à supprimer les prohibitions, qui ne comptaient plus alors que de rares défenseurs, en les remplaçant par des taxes qui pouvaient être portées à 30 pour 100, c’est-à-dire à un taux excessif, équivalant dans la plupart des cas à la prohibition absolue. Quant à l’opposition politique, elle oubliait que l’empire avait simplement réalisé ou plutôt commencé une réforme que les précédens régimes avaient jugée nécessaire, et, s’il lui était permis de regretter que la constitution eût attribué au chef de l’état la faculté de réviser les tarifs par voie de traités, elle n’avait pas à regretter ni à blâmer, en cette circonstance, l’exercice de la prérogative souveraine. Armé d’un pouvoir légal queue possédaient point les gouvernemens antérieurs, l’empire aurait, au contraire, mérité le reproche d’inertie et de faiblesse, si, après avoir essayé à