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troublant les fonctions du cerveau, finit par paralyser plus tard les mouvemens du cœur et de la respiration, c’est-à-dire la moelle épinière, tandis que la strychnine agit en sens inverse, d’abord sur la moelle épinière et ensuite sur le cerveau. De même l’émétique n’agit sur l’estomac que par l’intermédiaire du système nerveux: si on coupe les nerfs vagues qui se rendent de la moelle épinière à l’estomac, on empêche les vomissemens consécutifs à l’empoisonnement par l’émétique, et cependant l’émétique laisse l’intelligence intacte, au moins quand il est donné à faible dose, car à dose plus forte il agit sur le cœur d’abord et ensuite sur l’intelligence.

Ainsi il existe des poisons du système nerveux central qui portent leur action sur des parties différentes de ce tissu, et si nous considérons au système nerveux trois fonctions principales, l’intelligence, qui dépend du cerveau, les mouvemens volontaires, qui dépendent de la moelle épinière, les mouvemens organiques du cœur du tube digestif et des glandes, qui dépendent du bulbe rachidien intermédiaire à la moelle épinière et au cerveau, nous aurons des poisons agissant d’abord sur l’une ou l’autre de ces parties et par conséquent sur les fonctions qui en dépendent, mais portant plus tard leur action sur toutes les parties du système nerveux. Nous ne nous occuperons ici que des poisons agissant d’abord sur le cerveau et troublant les fonctions intellectuelles. Nous ne chercherons pas à déterminer pourquoi ils agissent ainsi, car leur mode d’action est encore inconnu. Il est certain que le poison est porté au cerveau par le sang, et que l’action intime du sang chargé de la matière toxique sur les cellules nerveuses des circonvolutions les modifie de manière à troubler la pensée; mais quelle est cette action? Est-ce une combinaison chimique du poison avec les cellules? est-ce un trouble mécanique dans la circulation cérébrale? Voilà ce que nous ignorons absolument et ce que des expériences ultérieures pourront peut-être un jour nous apprendre. Toutefois, avant de connaître le pourquoi des choses, il est facile de connaître le comment et si nous ne savons pas la cause dernière des empoisonnemens du cerveau, nous pouvons du moins en étudier les résultats et les symptômes.


II.

L’étude des poisons qui agissent sur les facultés intellectuelles ne présente pas seulement un intérêt physiologique et psychologique elle a encore un intérêt social considérable. En effet il semble que l’homme, à toutes les époques et dans tous les pays, soit mécontent de l’état de son intelligence, et qu’il cherche à l’exciter par des substances toxiques. Or ce qui caractérise tous les empoisonnemens