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LE
POETE PANTHEISTE
DE L’ANGLETERRE

II.[1]
L’ŒUVRE DE SHELLEY.

The Poetical works of Percy Bysshe Shelley, edited by Mistress Shelley, a new edition.

En considérant la destinée de Shelley, on est frappé de l’unité parfaite de sa pensée et de sa vie. Nous l’avons vu, celle-ci fut à elle seule une expression parlante de cette âme lumineuse, une représentation spontanée de son génie. On a l’habitude de pleurer les belles vies tranchées dans leur fleur, de s’abandonner aux pensées funèbres sur les tombes précoces; mais ici nous dirions plutôt avec la sagesse grecque, une sagesse de héros et d’artistes : Ceux qui meurent jeunes sont aimés des dieux! A vrai dire, l’issue tragique de cette destinée nous apparaît non pas comme un accident fortuit, mais comme une conclusion presque nécessaire. Si le hasard est le maître des vies ordinaires, qu’il fait périr ou laisse végéter à son gré, une logique secrète, une fatalité invincible préside à la marche des esprits supérieurs et passionnés : quand ils ont accompli leur mission, elle les enlève à nos yeux, et nous n’en voyons plus que la trace brillante. Shelley mourut à l’âge où d’habitude les grands hommes en sont encore à chercher leur voie et arrivent

  1. Voyez la Revue du 1er février.