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de comédie constitutionnelle, et si elle cherche à imposer à ses sujets une même langue, c’est une langue cultivée, riche de mots et d’écrivains, apte à exprimer toutes nos idées modernes, et non un obscur et infécond idiome asiatique, incapable de rendre nos notions scientifiques ou politiques. En Russie, le mal, quel qu’il soit, peut trouver un remède dans le développement spontané et naturel de l’esprit national, qui de lui-même pourra s’élever peu à peu à des sentimens plus libéraux, plus équitables pour tous les peuples placés sous le sceptre des héritiers de Pierre le Grand. Des Turcs abandonnés à eux-mêmes, la liberté et la civilisation n’ont au contraire rien à attendre que de nouvelles déceptions et de nouvelles complications. Entre la Russie et la Turquie, il y a enfin cette différence, que l’Europe peut intervenir utilement chez l’une, tandis que la diplomatie ne peut songer à s’immiscer dans les affaires intérieures de l’autre, et qu’en s’en mêlant, comme elle l’a tenté jadis, elle ne ferait que compromettre ceux auxquels elle s’intéresserait. Il n’y a qu’une question d’ouverte en Orient, l’amélioration du sort des chrétiens; ce n’est point en s’autorisant des mauvais exemples de tel ou tel gouvernement, c’est en se conformant aux grands principes de la civilisation chrétienne et de la liberté moderne, que les puissances doivent travailler à rendre la paix à l’Orient et la sécurité à l’Europe.


ANATOLE LEROY-BEAULIEU.



VAUDEVILLE. — Dora, comédie en cinq actes, de M. Victorien SARDOU.


On a fait un succès bruyant à la pièce nouvelle de M. Victorien Sardou. En d’autres temps, elle eût eu peut-être moins d’applaudissemens; mais le théâtre est si pauvre aujourd’hui qu’on perd le droit et l’envie de se montrer difficile. Ce qui manque surtout à cette Dora, qui se pare du nom de comédie, bien qu’elle commence par un vaudeville et finisse par un drame, c’est, quoi qu’on en dise et quoi qu’il puisse paraître d’abord, l’originalité. Elle refait un peu le Demi-Monde; elle refait un peu aussi l’Étrangère. La fille de la marquise de Rio-Zarès, pauvre enfant égarée dans une bande d’aventurières où l’on fait l’amour et la police diplomatique, qui rêve d’être un jour la femme de son mari et la mère de ses enfans, que tout le monde courtise, que personne ne songe à épouser, — c’est Marcelle, la nièce de la vicomtesse de Vernières, s’efforçant, dans un monde où l’on ne voit jamais de maris, de rester honnête femme dans l’espoir qu’un jour ou l’autre un honnête homme l’en récompensera. Ici M. de Nanjac s’appelle M. de Maurillac; il a quitté l’armée de terre pour la marine, sans rien perdre de la naïveté qui le rend inhabile à reconnaître les « pêches à quinze sous. » Olivier de Jalin