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rien été ! Encore une fois le dénoûment a manqué. Les plénipotentiaires, faute d’obtenir ce qu’ils poursuivaient, ont quitté le Bosphore, suivis des ambassadeurs ordinaires eux-mêmes, de sorte qu’il ne reste plus aujourd’hui à Constantinople que de simples chargés d’affaires. La conférence, si l’on veut, s’en est allée comme elle est venue, laissant le gouvernement ottoman seul en face de la Serbie et du Monténégro, la question des réformes dans les provinces turques plus que jamais indécise, l’Europe réduite à se demander quelle est la portée réelle de cet événement diplomatique, si c’est la paix ou si c’est la guerre, ce qui va sortir définitivement de cette péripétie nouvelle succédant à tant d’autres péripéties.

De toute façon, le fait incontestable est là. Six grandes puissances se sont réunies pour examiner l’état de l’Orient, pour proposer des solutions ou des palliatifs, pour obtenir des garanties de la Porte, et les efforts de ces six puissances n’ont pu triompher de la résistance de la Turquie, opposant tantôt un refus passif, tantôt les réformes dont elle prend elle-même l’initiative. Voilà le fait. Au premier moment, sans doute, une impression pénible s’est répandue dans le monde européen, en présence de ce résultat qui a pu passer pour un mécompte, qui a trompé des calculs et rallumé les controverses intéressées. L’impression du lendemain, tout en restant sérieuse, a été déjà moins vive, et aujourd’hui on en vient à comprendre que tout n’est pas perdu, que cette déUbéraiion en commun n’a point été infructueuse pour la paix occidentale, que dans tous les cas ce serait une dangereuse exagération de « transformer le refus de la Turquie en offense, soit pour l’Europe, soit pour une puissance européenne quelconque. » C’est le langage tenu récemment en Angleterre par le chancelier de l’échiquier, sir Stafford Northcote, dans un discours prononcé à Liverpool. Le ministre anglais, qui a voulu certainement préparer l’opinion aux prochains débats du parlement, sir Stafford Northcote, au risque d’être accusé d’illusion, ne veut pas qu’on dise que la conférence a échoué. Il ne nie pas ce qu’il y a eu de fâcheux dans la résistance de la Turquie, ce qu’il y a de grave et de délicat dans les conditions de l’Europe, toujours placée en face de ces inextricables difficultés orientales. Il soutient que, si la question turque proprement dite n’a pas été résolue, les rapports des puissances sont meilleurs qu’ils ne l’étaient il y a quelques mois, que les garanties de paix ont été fortifiées, et que la conférence a été justement pour les cabinets une occasion de se rapprocher, d’échanger plus directement leurs vues, de dissiper les malentendus et les méfiances qui les divisaient. Tout cela veut dire que, si la conférence a échoué, elle n’a échoué qu’en partie, que, si elle a eu des illusions, si elle a commis des méprises, si elle n’a pas toujours tenu compte de tous les éléraens de la question qu’elle avait à résoudre, elle laisse du moins une situation européenne provisoirement préservée par un certain accord