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nombre des pacifiques conquêtes que celle-ci peut faire à la surface du globe, une des plus méritantes. Parmi les nations qui se sont le plus distinguées dans la création des canaux, la France, a tenu un moment l’un des premiers rangs. Aujourd’hui elle est notablement distancée par l’Angleterre, les États-Unis, la Hollande et la Belgique, toutes contrées où les canaux sont tenus en si grande valeur, bien qu’en Angleterre et aux États-Unis on puisse citer des cas où, comme en France, les compagnies de chemins de fer ont essayé d’annihiler les canaux. D’une manière générale, ceux-ci n’ont pas cessé de maintenir leur rôle et leur importance, et l’Allemagne et la Russie en creusent maintenant de tous côtés. La Hollande, qui a toujours été le pays par excellence de ce genre de voies intérieures, cherche encore à augmenter son lot. Elle vient d’ouvrir une nouvelle route d’Amsterdam à la Mer du Nord, un canal direct, celui que tout récemment visitait notre ministre des travaux publics. Espérons qu’il aura recueilli dans cette tournée plus d’une heureuse inspiration. Le 1er novembre 1876, le roi des Pays-Bas inaugurait solennellement ce canal, qui a 25 kilomètres de long. Les bâtimens de 5 mètres de tirant d’eau peuvent déjà le parcourir, et il doit être creusé jusqu’à une profondeur de 7 mètres. À l’entrée du canal dans la Mer du Nord, il y a une écluse qui peut recevoir des navires d’une longueur de 120 mètres. Deux jetées en pierre, larges de 7 mètres et longues de 1,600 mètres, se prolongent en ligne droite dans la mer, enserrant un avant-port de 265 mètres de large et d’une superficie de plus de 100 hectares. Du côté de la mer intérieure, le Zuiderzée, le canal est également fermé par une écluse. Tous ces faits doivent nous servir d’enseignement, et la France n’a qu’à vouloir pour reprendre le rang qu’hier encore elle occupait dans les choses de la canalisation.

L’honorable rapporteur du système de nos voies navigables non-seulement s’est plu à marquer, à tracer d’avance tout ce qui avait trait à l’exécution technique de nos futurs canaux dans des espèces de projets et de devis estimatifs ; mais il a même pris soin d’indiquer par quelles combinaisons financières on pourrait arriver à améliorer et à compléter, sans trop de charges pour la nation et le trésor, le réseau français, qui deviendrait ainsi un des plus importans du globe. Encore une fois, ce réseau, ainsi achevé et mis en mesure de fonctionner utilement sur tous les points du territoire, ne nuirait pas pour cela au réseau de nos voies ferrées. Ainsi que le dit très bien M. Kraniz, « le canal et le chemin de fer n’ont pas les mêmes aptitudes de transport, ne rendent pas les mêmes services, ne s’adressent pas à la même clientèle ; ils peuvent coexister dans la même vallée sans se nuire, et leur action réciproque peut et doit