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Le trafic sur tous ces canaux, autrefois plus prospère qu’aujourd’hui comme sur le Rhône lui-même, renaîtra très certainement quand il existera entre Lyon et Arles une voie réellement navigable. Cette voie, pourquoi s’obstiner à la demander au fleuve, si peu réglé, si capricieux, d’un régime torrentiel parfois si redoutable, et qui toujours détruira le lendemain ce qu’on aura fait la veille pour le discipliner? Ne vaudrait-il pas mieux la demander une bonne fois à un canal sur la rive droite ou la rive gauche, comme des ingénieurs distingués avaient déjà essayé de le faire il y a une soixantaine d’années? Venant après eux, s’inspirant de leurs projets, de leurs devis, en les modifiant eu égard aux conditions actuelles, M. Krantz voudrait qu’on ouvrît un canal latéral au Rhône sur la rive droite. Il préfère cette rive, la rive industrielle, à l’autre, la rive agricole. Si, sur celle-ci, on rencontre à partir de Lyon, Saint-Vallier, Vienne, Tain, Valence, Montélimar, Orange, Avignon, Tarascon, Arles, on rencontre aussi la voie ferrée et ses embranchemens, et des rivières d’une grande largeur et d’un débit parfois torrentiel, la Drôme, l’Isère, la Durance. Sur l’autre rive, au contraire, on reste à peu près maître du terrain. On n’a à franchir que des torrens étroits, et l’on rencontre, sinon Rive-de-Gier et Saint-Étienne, au moins le canal de Givors, puis on traverse des districts industriels comme ceux d’Annonay, la Voulte, le Pouzin et leurs forges. Privas et les mines de fer et de charbon de l’Ardèche, les fabriques de ciment et de chaux hydraulique du Theil. A Beaucaire, on est en communication avec les houillères, les forges et toutes les usines du Gard. C’est pour toutes ces raisons que M. Krantz a choisi de préférence la rive droite du Rhône pour y établir un canal latéral. Il pousse avec raison ce canal jusqu’à Marseille pour en rendre l’efficacité absolue, et il présente à l’appui de son projet un devis qui ne dépasse pas 100 millions de francs, dont 90 pour 300 kilomètres de canal latéral (300,000 francs par kilomètre) et 10 millions pour un canal de 35 kilomètres de Bouc à Marseille.

Loin d’être une concurrence pour le chemin de fer déjà existant sur la rive gauche du Rhône, celui de Lyon à Marseille, et pour celui qui existera bientôt tout le long de la rive droite, le canal latéral du Rhône serait au contraire d’un utile concours pour la voie ferrée. Ne la dégagerait-il point d’une partie des matières, si encombrantes pour ses gares, qui forment comme la dernière classe des transports par petite vitesse, celles dont le fret ne donne qu’un profit apparent? On sait aujourd’hui que ce profit ne devient réel que par des espèces de viremens de compte qui consistent à déverser sur ce chapitre une partie des bénéfices effectués par exemple sur le transport des voyageurs et des matières dites de messageries. Le canal