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restés en route, attendaient la prochaine éclusée. C’est ainsi que cette navigation en descente ne laissait pas d’avoir ses incidens et même ses périls; mais dans l’ensemble elle donnait de très sérieux résultats. A la remonte, on ne pouvait naviguer qu’à vide ou avec une faible charge. On faisait environ cinquante éclusées par an. Telle était, sous sa forme rustique empruntée sans doute aux Gaulois, cette antique navigation de l’Yonne, que la construction des canaux du Nivernais et de Bourgogne a commencé par faire peu à peu disparaître, et qui finalement, avec les améliorations apportées à la rivière elle-même, a été remplacée par une navigation continue.

La Marne, l’Yonne, sont des tributaires forcés de la Seine, et si la navigation y est restée active, c’est parce qu’elle aboutit à Paris. La Seine, malgré toutes ses imperfections, malgré la concurrence du chemin de fer de l’Ouest, favorisé encore par une distance plus courte, dessert, nous l’avons dit, un puissant trafic. La voie ferrée présente sur le fleuve un raccourci de 105 kilomètres, soit 45 pour 100, celui-ci mesurant 241 kilomètres du pont de la Tournelle (île Saint-Louis) à Rouen. La lutte entreprise dans de telles conditions atteint presqu’à l’héroïsme, et il faut bien que l’utilité, l’économie du transport par eau soient universellement reconnues pour qu’un fleuve comme la Seine, aux rives presque partout sinueuses, au lit assez peu profond et relativement peu large, lutte avec quelque avantage contre une voie ferrée qui offre tout d’abord au commerce un parcours à peu près moindre de moitié. Et ce n’est pas tout. La Seine, au commencement du siècle, n’était navigable à la traversée de Paris qu’en certain état des eaux, de telle sorte que les bateaux venant du haut du fleuve s’arrêtaient en amont du pont de la Tournelle, au port de Bercy, et ceux du bas ne remontaient pas au-delà du port Saint-Nicolas, au pont du Carrousel. La Seine se trouvait ainsi scindée en deux parties qui n’avaient que de rares communications entre elles. Le canal de Saint-Denis et celui de Saint-Martin ont été construits pour parer à cet inconvénient, et ont offert en outre aux bateaux montans ou descendans un raccourci de 60 pour 100 environ sur la traversée sinueuse de Paris. Aujourd’hui, au moyen d’écluses spéciales, l’écluse de la Monnaie, le barrage écluse de Suresnes, et par l’emploi de remorqueurs mettant en œuvre le touage sur chaîne noyée, on a paré d’une autre manière aux inconvéniens de la navigation de la Seine à Paris.

Le bassin de La Villette, où aboutissent non-seulement le canal Saint-Martin et le canal de Saint-Denis, mais encore le canal de l’Ourcq, est un véritable port intérieur. Il présente, à l’entrée et à la sortie, un mouvement annuel moyen de 2 millions de tonnes au