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REVUE. — CHRONIQUE.

politique de fantaisie avec des suppressions de crédit, de ne point aller gratuitement au-devant des condits et de ne pas se servir du budget comme d’un prétexte pour ménager à la chambre une session extraordinaire. Sous ce rapport, le choix de la commission du budget n’est pas sans importance pour la majorité modérée, si cette majorité existe, et pour le gouvernement lui-même, s’il ne veut pas laisser recommencer la brillante campagne du mois dernier, où M. Dufaure a succombé avec l’aide de M. Gambetta, — qui ne croyait pas, il est vrai, remporter cette victoire de mettre M. Jules Simon à la place de M. Dufaure!

Assurément M. le président du conseil a pour le moment bien assez à faire sans avoir une commission du budget qui lui ménage les surprises d’une session extraordinaire et lui prépare d’incessans conflits à dénouer. Il a besoin de toute son habileté stratégique, de sa souple éloquence et de l’aimable supériorité de son esprit pour tenir tête aux difficultés visibles ou invisibles qui l’entourent, pour se défendre contre ses ennemis et peut-être même encore plus contre ses amis ou ceux qui se disent ses amis. Le plus grand danger pour M. Jules Simon est positivement aujourd’hui dans les obsessions dont on ne cessera de le poursuivre sous prétexte de politique républicaine, de programme républicain. Et on a beau faire, le programme républicain, c’est toujours la même chose : c’est toujours mettre le gouvernement en demeure de satisfaire toutes les prétentions de parti et créer à un ministre une situation impossible. C’est un jour aller en députation auprès de M. le président du conseil pour réclamer l’abrogation d’un arrêté de la veille, d’un règlement de l’administration de la ville de Lyon au sujet du service des enterremens et de la police des cimetières; c’est un autre jour aller tout simplement offrir un marché à M. le ministre de l’intérieur, en lui proposant de faire lui-même l’amnistie, par voie de grâce, pour éviter des propositions parlementaires recommençant l’importune agitation de l’an dernier; c’est enfin à toutes les heures et à tous les instans réclamer des révocations de préfets, de sous-préfets, de juges, d’administrateurs ou de généraux. On dresse des statistiques et des catégories; on met d’avance l’administration tout entière en coupe réglée par zone et par saison. Il n’y a pas à s’y tromper, la révolution du personnel judiciaire et administratif, c’est là surtout pour le moment la grosse affaire du parti républicain. Que le (gouvernement accorde à chaque député son préfet ou son sous-préfet, son juge ou son receveur des finances, la république est sauvée, le ministère a sa majorité! Si on ne fait pas cela, la république n’existe pas, et M. Jules Simon n’est plus qu’un réactionnaire comme tous ses prédécesseurs, comme M. Dufaure. Il faut que tout soit républicain, ou du moins marqué à l’effigie républicaine! M. le président du conseil est certainement homme à se tirer d’embarras et à ne faire que ce qu’il ne pourra pas éviter. Il s’est exécuté à demi; il a révoqué huit préfets désignés comme plus ou moins suspects,