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leur enthousiasme chevaleresque et religieux ; mais quand on écarte le nuage fatidique, il faut singulièrement en rabattre. Entre les hordes des croisés qui mettaient l’empire grec à feu et à sang et les hordes des Huns et des Mongols, la différence n’est que dans les noms, et l’on peut s’étonner que des expéditions également désastreuses pour l’Europe et l’Asie aient été transformées en une sorte d’épopée presque divine.

À côté de l’Académie des Inscriptions, qui est pour nos érudits ce qu’était pour les grands vassaux la tour du Louvre, le chief souverain, se sont fondées depuis peu dans la capitale des sociétés qui donnent à leurs études une force nouvelle en les spécialisant : sociétés d’anthropologie, d’ethnographie, de Paris et de l’Ile-de-France, de l’histoire de Paris, des anciens textes, de législation comparée. Les aïeules, celles qui datent d’avant la guerre, n’ont point voulu se laisser distancer ; les sociétés de l’École des Chartes, de l’histoire de France, des antiquaires, l’École des Hautes études, qui est une association de volontaires de la science, ont rivalisé de zèle. La Société de l’histoire de France a donné quatre volumes par an d’éditions nouvelles et de textes inédits. Elle mène de front en ce moment deux entreprises de la plus grande valeur, les éditions critiques de Brantôme par M. Ludovic Lalanne, et de Froissart par M. Siméon Luce. Ces chroniqueurs, célèbres entre tous, ne nous étaient que très imparfaitement connus, à cause des incorrections de leur texte, des variantes souvent contradictoires des manuscrits de Froissart et de l’absence de tables méthodiques. Les nouveaux éditeurs nous les rendent dans toute leur sincérité. La Société des anciens textes a tiré de la poussière un de nos vieux romans, Brun de la montagne, et des chansons populaires de la fin du XVe siècle, d’autant plus précieuses que nous n’avions jusqu’à présent pour cette époque aucun spécimen de ce genre de poésie. La Société de l’histoire de Paris offre dans ses Mémoires, entre autres travaux dignes d’éloges, les lumineuses dissertations de M. Longnon sur la topographie et les limites du pays connu sous le nom d’Ile-de-France, ce centre attractif autour duquel s’est reformé le royaume démembré par les bénéfices et les fiefs carlovingiens, — et sur François Villon, qui personnifie au XVe siècle des types toujours vivans parmi nous : l’enfant de Paris et le bohème littéraire. MM. Gaston Paris et Paul Meyer tiennent vaillamment leur place dans la jeune école de l’érudition nationale ; le recueil fondé par M. Meyer en 1874 sous le titre de Romania est consacré à la discussion des textes et des questions propres à éclairer l’origine et la filiation des idiomes de l’Europe qui sont sortis du latin, à commencer par notre langue et ses nombreux dialectes. Ce recueil, où sont appliquées les meilleures méthodes, a déjà notablement contribué aux progrès de la